Asmaa est arrivée en France deux ans après avoir quitté la Syrie. Deux ans sur les routes, dans des camps, puis sur les routes encore et enfin la traversée de la Méditerranée à la merci des passeurs pour rejoindre l’Europe. Deux ans sans école, à survivre plus qu’à vivre. C’est long quand on a 8 ans… Orientée vers le Centre Primo Levi par une association qui gère l’accueil des familles réfugiées, elle a commencé à voir un psychologue il y a quelques mois. Asmaa fait régulièrement le même cauchemar : le bateau, l’eau si froide, si noire. Dans ses cauchemars, c’est comme si elle était encore au milieu des vagues, des adultes qui crient, des enfants qui pleurent… Elle a vraiment cru qu’elle allait mourir.

Avec le psychologue du Centre Primo Levi, Asmaa a parlé de son école en Syrie, de ses amis. D’abord, c’était difficile de se souvenir, cela fait si longtemps qu’elle est partie. Et puis elle était triste de penser à ses amies qu’elle ne voit plus. Mais cela faisait aussi du bien de se souvenir d’elles. Asmaa aimerait tellement retourner à l’école. Mais c’est compliqué pour le moment car avec sa maman elle vit à l’hôtel et elles ne restent jamais au même endroit. Asmaa n’aime pas l’hôtel. C’est mieux que les camps mais elle voudrait tellement avoir une maison à elle.

Comme beaucoup d’enfants venant de Syrie, Asmaa est dans un terrible état d’épuisement. Ces enfants ont résisté à tant de tensions, de peurs, d’incertitudes du lendemain. Mais ils ont, nous le savons aussi, de formidables capacités de reconstruction. Ils apprennent vite le français, l’école les aide à créer des liens avec d’autres enfants. Cette reconstruction demande un soutien et un accompagnement attentifs.

Au Centre Primo Levi, une prise en charge psychothérapeutique soutenue permet d’aider les enfants comme Asmaa à retrouver leur enfance. En outre, un accompagnement social resserré vise à stabiliser le logement de la famille, à éviter le changement d’établissement scolaire en cas de changement de lieu d’hébergement. Il faut obtenir des aides pour la cantine, pour les fournitures scolaires. Il faut aussi tisser des liens avec tous les intervenants qui entourent l’enfant : enseignants, directeurs d‘établissement, parents…, pour les aider à comprendre ses difficultés et à les surmonter. Il faudra beaucoup de temps à Asmaa pour retrouver un sommeil sans cauchemars. Le naufrage, la guerre, la longue route de l’exil font désormais partie de sa vie, de son histoire. Mais il faut l’aider à s’en détacher, à en faire des éléments de son passé pour l’aider à investir le présent et à construire l’avenir.


Mme N. est iranienne. Enseignante, elle est mariée et a deux enfants. En 2009, après les élections, elle participe à des manifestations, comme nombre de ses compatriotes. Elle est arrêtée par la police avec d’autres manifestants. Pendant plusieurs jours, elle est maintenue en détention, arbitrairement. Au cours de cet emprisonnement, elle est torturée, frappée, violée. Elle finit par réussir à quitter l’Iran avec sa famille. Arrivée en France, elle se rend à une permanence pour réfugiés d’Amnesty International qui l’oriente vers le Centre Primo Levi. Reçue entretien d’accueil, Mme N. exprime le besoin d’un soutien psychologique, au-delà d’une prise en charge médicale qui l’aidera à retrouver un peu de paix et de sommeil. Elle est hantée par les cauchemars, elle a régulièrement des réviviscences des scènes de torture. Elle se sent coupable et a honte de ce qui lui est arrivé. Ayant peur d’être rejetée, elle n’a jamais réussi à dire à son mari, qu’elle a été victime de viols. Cela l’obsède pourtant jour après jour.

La prise en charge au Centre Primo Levi a commencé à raison d’un rendez-vous par semaine avec une psychologue, ainsi qu’un rendez-vous toutes les deux semaines avec une médecin généraliste. Mme N. exprime très tôt le souhait de retravailler. Pour elle, c’est sa dignité qui est en jeu. Elle gagnait sa vie en Iran, elle ne veut pas dépendre de la société en France, elle veut être autonome financièrement. Elle qui était enseignante dans son pays, veut retravailler avec des enfants. L’assistante sociale commence par lui conseiller d’améliorer son niveau de français et l’oriente vers une association qui propose des cours de français. Mme N. progresse très rapidement puis entame une formation pour garder des enfants. Une amélioration de son état psychique est constatée au bout d’un an de prise en charge. Elle est désormais garde d’enfant à domicile chez des particuliers. Elle a obtenu le statut de réfugiée et continue de consulter une psychologue une fois par mois environ. Malheureusement, ses conditions d’hébergement sont encore très précaires et restent un obstacle à une reconstruction complète…


Monsieur V. est kurde, originaire de Turquie. Ses prises de position à l’encontre de la politique gouvernementale turque lui ont valu de nombreuses incarcérations, durant lesquelles il a subi des violences et des humiliations quotidiennes. Monsieur V. ne pesait plus que 37 kg lorsqu’il a finalement été libéré et qu’il a fui le pays. Il souffre de migraines extrêmement violentes, de douleurs aux pieds, de troubles de la mémoire et de la concentration. Il fait très souvent des cauchemars peuplés de scènes vécues en prison.

Malgré les risques qu’il encourt, confirmés par de récentes menaces, les demandes d’asile de Monsieur V. en France n’ont abouti qu’à des rejets. Ces rejets successifs le plongent dans la dépression, puis dans la colère. Il a tout perdu en quittant son pays, sa famille et son métier. Sa mobilisation pour obtenir le statut de réfugié, dit-il, c’est la seule chose qu’il lui reste : c’est une question d’honneur. Malgré plusieurs années de présence en France, il ne peut se résoudre à demander une régularisation, alors qu’il aurait toutes les chances d’obtenir un titre de séjour pour soins. A ses yeux, obtenir des papiers sans le statut de réfugié le placerait dans une position de miséreux, d’assisté. Ce serait aussi renoncer à un acte politique symbolique et à faire reconnaître le combat des générations qui l’ont précédé, celles de son père et de son grand-père, militants eux aussi.


Mme B. vient de la République démocratique du Congo. Son compagnon faisait partie d’un groupe d’opposants au pouvoir. Des soldats sont venus chez elle, l’ont battue et violée à plusieurs reprises et ont torturé et tué son compagnon devant elle. Profitant d’un moment où elle n’était plus surveillée, elle a réussi à s’enfuir avec son bébé. Traquée par les soldats, elle a réussi à se cacher, à trouver de l’aide auprès de sa famille et à quitter le pays. Après un long périple, elle a réussi à gagner la France. Pendant tout le temps où elle était battue et violée, Mme B. avait les bras ligotés. Lors de ses premières consultations au Centre Primo Levi, elle se présente avec un bras gauche totalement paralysé et extrêmement douloureux. Elle souffre également de violentes douleurs dans le dos. Sur le plan psychique, Mme B. souffre de troubles majeurs du sommeil, elle revit constamment les scènes de violence. Une prise en charge médicale est mise en place, complétée par des séances de kinésithérapie pour essayer de soulager les souffrances de Mme B. à la fois par des traitements médicaux et par un travail sur la mobilité de son corps, par des massages doux. Une psychothérapie lui est proposée aussi. Il semble que ce dysfonctionnement de son bras est un moyen pour Mme B. de tenir à distance un corps qui a tant souffert, de mettre à l’écart les événements traumatiques. Un long travail de thérapie a pu être mené à bien et a permis à Mme B. de se réapproprier son corps, de reprendre confiance en elle et en sa capacité de s’occuper de son enfant.