Impossible, à la lecture de l’intitulé de ce colloque, de ne pas « songer » à l’épidémie actuelle et ses conséquences. Cauchemar pour beaucoup d’entre nous, l’épidémie et son imaginaire peuvent devenir le rêve des États, celui d’un nouvel ordre, d’une société disciplinaire.
Pour nos patients, souvent dans leur histoire, isolés, pourchassés, le confinement a pu être un savoir déjà rencontré, voire l’exercice d’une aptitude au repli. Mais il demeurera surtout comme la perspective d’un horizon indépassable de leur condition, toujours répétée, d’un maintien à une vie nue où se profile la disparition. Si pour nous cliniciens, cauchemars et rêves sont des manifestations de l’inconscient, voire d’un désir, ils semblent attester chez nos patients d’une tentative toujours avortée d’oublier les mauvaises rencontres avec le réel.
Ce que le contexte actuel nous rappelle, c’est que l’histoire est un « cauchemar dont on essaie toujours de se réveiller », selon les mots de Lacan dans sa lecture de Joyce. Si Primo Levi disait « malheur à celui qui rêve, le réveil est la pire des souffrances », on pourrait essayer, pour conclure, d’affirmer avec Imre Kertész : « tant que l’homme rêve – qu’il s’agisse de cauchemars ou de beaux rêves –, […] il y a littérature […]. La véritable crise, c’est l’oubli parfait, la nuit sans rêve ». Il nous faut continuer à rêver car les temps troubles existeront toujours.