Edito

2020. Une année particulière. Une année sombre, durant laquelle chacun et chacune d’entre nous a été confronté, de façon individuelle et collective, à une situation inédite.

Pandémie mondiale, crise sanitaire, crise sociale et économique, restrictions, il a fallu composer avec ces dures réalités, continuer à vivre malgré tout, rester présent pour nos proches et pour les plus vulnérables.

Entre enfermement et angoisses, l’extérieur est devenu hostile. L’autre est devenu dangereux, porteur potentiel d’un ennemi invisible, le coronavirus.

Nous avons appris à vivre avec la réalité de la pandémie de Covid-19, avec les mesures sanitaires et les gestes barrières qui continuent à peser sur notre quotidien afin de nous protéger et protéger notre entourage.

Si les premiers mois de l’année 2020 se sont déroulés sous le signe de la peur permanente, notamment à partir du confinement de mars, l’être humain a, une nouvelle fois, prouvé sa capacité de résilience en s’adaptant aux multiples injonctions politiques.

Le Centre Primo Levi n’a pas dérogé à la règle. Dès l’annonce du confinement, l’équipe a dû adopter les mesures nécessaires pour fonctionner à distance et protéger les patients tout en prenant la difficile décision de les éloigner physiquement du centre de soins pendant plusieurs mois.

La première période de confinement, durant laquelle nous avons dû fermer nos portes de mars à mai, a eu des conséquences très négatives sur de nombreux patients. Réminiscences de leur enfermement passé ou de situations de guerre, solitude, mais également difficultés d’accès aux soins ont été sources de souffrance.

À ces épreuves assénées au corps et à l’esprit se sont ajoutées d’importantes difficultés juridiques et
sociales, le contexte de crise marginalisant encore davantage certains de nos patients en amplifiant de
fortes situations de précarité.

Avec la fermeture des guichets, les procédures de demande d’asile ou de titre de séjour ont été gelées, et les difficultés d’accès à l’administration liées au processus de dématérialisation ont été renforcées.

Sur le plan social, la crise sanitaire s’est traduite par des difficultés pour s’alimenter, trouver un hébergement et se déplacer.

Cette précarisation a eu des conséquences délétères sur la capacité de nos patients à surmonter les effets des traumatismes vécus dans leur pays d’origine ou sur le parcours migratoire.

Face à ces difficultés, le Centre Primo Levi a su s’adapter, poursuivre les suivis à distance durant la période de fermeture, s’enquérir régulièrement de l’état physique et psychologique d’une grande majorité de ses patients.

Cet accompagnement au plus proche de chacun et chacune a pu se faire, en grande partie, grâce à la
mobilisation active de nos partenaires et donateurs. Avec la mise en place d’un protocole sanitaire strict, le Centre Primo Levi a pu rouvrir ses portes fin mai et accueillir ses patients de façon continue depuis lors.

Adaptabilité et bienveillance ont été les maîtres mots tout au long de l’année 2020. Adaptabilité pour
trouver des solutions immédiates face aux difficultés imposées par la crise, bienveillance afin d’assurer la continuité des soins en prenant en compte les difficultés spécifiques de chacun et chacune,
renforcées par la crise.

Dans ce contexte, certaines de nos actions ont dépassé nos champs d’intervention habituels afin de ne laisser personne de côté.

Ainsi, malgré une année bousculée, le Centre Primo Levi a maintenu son activité et pu assumer ses missions, plus nécessaires que jamais. 6 206 consultations ont été assurées en 2020 auprès de 412 patients.

Parmi ceux-ci, un nombre croissant témoignent des violences infligées sur le chemin de l’exil, notamment lors du passage en Libye où règnent tortures et blessures. Ces expériences laissent des séquelles durables, profondément ancrées, qu’il est important de ne pas oublier dans la crise.

Éprouvés par la réponse à l’urgence sanitaire et ses conséquences sociales, de nombreux professionnels engagés auprès des personnes exilées ont manifesté le souhait d’accéder à des espaces de réflexion pour se ressourcer et partager leur vécu.

Pour répondre à leur demande, notre centre de formation s’est adapté aux contraintes imposées par la situation sanitaire. La plupart des formations prévues en 2020 ont été proposées en visioconférence et ce sont 264 professionnels et bénévoles du secteur médico-social qui ont été formés durant l’année.

De même, le colloque « Entre rêves et cauchemars : la longue nuit des exilés » initialement prévu en mars 2020 a réuni plus de 300 personnes en octobre en format numérique. Une belle manière de conclure l’année, qui est apparue comme proche du cauchemar, par des échanges invitant au rêve d’une société meilleure.

Car c’est dans cette optique que les professionnels du Centre Primo Levi continuent de se lever chaque matin, animés par la volonté d’une société plus juste, au sein de laquelle la différence n’est plus synonyme de rejet mais de force.

Ces combats, nous les avons menés cette année grâce à nos actions de plaidoyer, en défendant le droit d’asile et l’accès aux soins médicopsychologiques pour toute personne ayant fui la torture et les violences politiques dans son pays d’origine.

Pour porter au mieux ces revendications et répondre aux besoins croissants de prise en charge des personnes exilées, le Centre Primo Levi a engagé en juillet 2020 un plan stratégique visant à consolider son action de soins, à développer ses actions de formation auprès des professionnels et à renforcer son impact.

Ce plan à trois ans s’inscrit dans la logique de développement qui a été engagée ces dernières années en s’appuyant sur la mobilisation de l’équipe salariée et des membres du Conseil d’administration.

Dans le cadre de son plan à trois ans, le Centre Primo Levi souhaite resserrer les liens avec ses associations fondatrices, et dans ce sens a souhaité donner la parole à deux d’entre elles (ACAT-France et Médecins du Monde) en leur proposant d’écrire des textes entrant en résonance avec son activité.

C’est donc de façon active et dynamique que le Centre Primo Levi sort de l’année 2020, renforcé dans ses convictions et conforté dans son engagement auprès des personnes exilées.

Cette mobilisation est rendue possible grâce au professionnalisme de son équipe, à l’implication de son Conseil d’administration et de ses bénévoles et au soutien des nombreux donateurs, partenaires financiers et mécènes qui lui permettent au quotidien de soigner, transmettre et mobiliser.

Antoine Ricard, président du Centre Primo Levi