A la fin de l’année 2017, on estime à 25 000 le nombre de mineurs non accompagnés sur notre territoire. Seuls 40% sont reconnus en tant que mineurs. Que se passe-t-il pour cette grande majorité qui ne peut être mise à l’abri ?
L’Asmie – Association de solidarité pour les mineurs isolés étrangers – s’est créée afin de proposer des solutions pérennes à ceux qui se retrouvent seuls, qu’ils soient ou non suivis par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). A travers ses actions, elle cherche à transmettre des repères et une place à ces jeunes qui n’ont connu que la perte, les ruptures et les abus. Comment croire en l’autre lorsque la violence est venue rompre les liens à sa famille et à ses proches ? Lorsque les adultes sont ceux qui vous exploitent et vous malmènent pendant le parcours d’exil ? Et une fois en France, ce sont ceux qui nient votre parole en choisissant de ne pas reconnaitre votre minorité. Difficile de se construire en cette période d’adolescence dans un environnement où les limites sont sans cesses franchies par ceux qui représentent l’autorité.
Les ateliers proposés par l’association sont donc avant tout un support pour redonner à ces jeunes une confiance en l’autre et à restaurer une image positive d’eux même.
Le cadre est posé dès le début et vise à les sortir du statut de celui qui reçoit. Dans cet espace, ils pourront s’impliquer, apporter leurs idées, aider leurs pairs et partager. Ecrire un texte, réaliser une chanson et restituer ce travail aux autres leur permet de donner leur opinion, de travailler leur expression en public, mais aussi de partager avec les membres du groupe. Les sujets choisis les poussent à réfléchir, se questionner : quelle est la place de la femme dans la société ? Que pensent-ils de l’excision, du mariage forcé ? Autant d’outils pour revaloriser une parole qui a été niée depuis leur départ.
A titre d’exemple, prendre le temps de travailler son CV est un bon moyen de se rendre compte de ses compétences. Ce que les jeunes perçoivent comme une honte – car cela diffère de nos codes sociaux – est au contraire valorisé. C’est une manière de prendre conscience de leur richesse et de leur singularité. Parler plusieurs langues, même si elles ne le sont pas sur notre territoire, n’enlève en rien à leur capacité d’apprentissage !
La réussite de cet accompagnement nécessite du temps, de l’écoute et de l’adaptation. En effet, compte-tenu de la conjoncture actuelle, le groupe est toujours mouvant. Certains ne pourront participer qu’à trois ateliers. Il faudra donc que chacun puisse s’y retrouver à chaque fois, sans être lésé par une absence. Tout comme une juste distance est à trouver. La maturité de certains ne doit pas faire oublier qu’ils restent des adolescents. A l’inverse, d’autres sont en recherche d’un substitut maternel que l’association ne peut pas endosser.
Les places, brouillées par la violence, sont souvent resituées afin de maintenir un cadre. Lorsque les jeunes dévoilent tous leurs papiers afin d’être soutenus dans leur démarche, les bénévoles leur rappelle le caractère personnel de ces documents et leur propose d’être orientés vers des personnes compétentes. En effet, l’association cherche en parallèle à les stabiliser, en s’efforçant de leur trouver une école, des lieux où dormir qui ne relèvent pas que du ponctuel. Des partenariats sont noués avec l’Adjie (Accompagnement et défense des jeunes isolés étrangers) pour aider les adolescents à effectuer des recours ou encore avec des permanences d’accès aux soins de santé pour bénéficier d’une consultation médicale.
Cependant, tout ce soutien repose sur des énergies individuelles qui ne peuvent pallier les manquements d’un système saturé. La réalité du dispositif de mise à l’abri vient souvent rajouter de la brutalité là où il y avait enfin une restauration de liens. La répartition nationale, réalisée pour ne pas concentrer toutes les demandes sur certains départements, provoque de nouvelles ruptures en envoyant un enfant loin de ceux qui les ont accompagnés. La reconnaissance de la minorité diminue afin de ne pas surcharger l’ASE de prises en charges. Par ailleurs, les départements font de plus en plus appel aux décisions des juges pour enfants, anéantissant ainsi les suivis. Le droit à l’école est peu respecté, le mot d’ordre du rectorat de Paris étant de ne plus prendre de nouvelles scolarisations. Le contrat jeune majeur n’est quant à lui plus appliqué ailleurs que dans la capitale.
Les jeunes se retrouvent livrés à eux-mêmes en dehors de tout dispositif. Comment vont-ils grandir, eux qui composeront notre société de demain ?