Les Français sont des donateurs généreux et l’action du Centre Primo Levi repose aussi sur leur contribution. Quelles en sont les contreparties ?
Le don est défini communément comme l’action de donner, de céder volontairement quelque chose que l’on possède et, en particulier, l’action de donner de l’argent à quelqu’un, à une institution, une œuvre (Larousse).
Huit Français sur dix déclarent faire chaque année des dons financiers à des associations, fondations, projets ou à des particuliers, et 88 % des Français font chaque année des dons « en nature » de vêtements, nourriture, livres ou jouets, ou s’impliquent pour une association[1].
Les façons d’exprimer sa générosité sont multiples : par le don d’argent (manuel, legs, donation), de temps, d’objets, de denrées, par la mobilisation de son entourage professionnel ou personnel, de façon individuelle ou collective, etc.
Plus largement, selon une étude publiée par l’Observatoire de la philanthropie en 2018[2], la générosité privée des Français, toutes formes confondues (à l’exception du bénévolat et des dons entre personnes), représentait 7,5 milliards d’euros, dont 61% en provenance des particuliers et 39% des entreprises. Ce chiffrage, qui est une estimation a minima car de nombreux segments sont difficiles à documenter, témoigne du fort engagement annuel des Français.
En 2020, cette générosité a fortement progressé en lien avec la crise sanitaire et sociale due à la Covid-19 et ses conséquences, sans pour autant être uniquement dirigée vers des causes directement impactées par cette crise. Le volume des dons des particuliers aux associations et fondations d’intérêt général à l’échelle nationale a augmenté de 13,7% par rapport à 2019, une hausse record depuis l’instauration du Baromètre en 2004[3].
Les motivations du don
Le don est mû par des motivations variées (socio-politiques, économiques, éthiques, spirituelles ou religieuses) souvent imbriquées, qui sont sous-tendues par les valeurs personnelles de celui qui donne, ses idéaux, son vécu, sa vision des associations et de leur rôle. C’est un acte que l’on fait par compassion, solidarité et entraide, engagement ou accomplissement.
Il peut être peu rationalisé, déterminé par l’occasion ou une sollicitation de nature émotionnelle. A l’inverse, il peut être plus réfléchi, programmé, qu’il soit ponctuel ou régulier. Selon l’Observatoire des générosités, 94% des montants des dons reçus proviennent de donateurs fidèles.
Les causes et associations aidées sont aussi souvent multiples et varient généralement avec l’âge des donateurs. Parmi les causes privilégiées par les Français se trouvent la protection de l’enfance (37% des personnes sondées), la lutte contre l’exclusion et la pauvreté (27% des sondés) et la recherche médicale (26%)[4]. Les autres causes plébiscitées sont la protection des animaux, qui progresse fortement, la protection de l’environnement, également en hausse d’année en année, sauf en 2020 en raison du contexte, l’aide aux personnes malades ou handicapées et l’aide d’urgence aux populations victimes de catastrophes naturelles ou d’attentats.
Dans tous les cas, la clarté sur le destinataire du don, l’assurance que le don sera utile et, plus largement, la transparence sur l’utilisation des fonds par les associations, sont des éléments primordiaux auxquels les donateurs sont très attentifs.
Les modes de collecte de dons
Pour certaines associations, le don est fondamental pour assurer le financement de leurs missions sociales et de leurs projets. Cela répond à un besoin de diversification de leurs ressources par la collecte de fonds privés.
Si le geste de don ne se fait pas toujours dans un cadre organisé, les sollicitations plus structurées et professionnalisées de la part des organisations et le cadre fiscal sont des facteurs incitatifs.
À côté de la collecte classique s’appuyant traditionnellement sur une campagne de courrier postal permettant aux donateurs de faire des dons par chèque ou prélèvement automatique, des nouvelles formes de don se sont développées : plateformes de financement participatif, dons par sms, arrondis en caisse ou sur salaire, événements (dîners de charité, soirées de gala, courses solidaires), démarchage dans la rue, manifestation médiatique (Téléthon), etc.
Ces nouveaux modes de collecte se sont appuyés sur le développement du numérique, mais aussi les évolutions du cadre règlementaire, favorisant notamment l’apparition de donateurs plus jeunes. Parallèlement, une des conséquences de l’usage du digital est que certaines personnes se retrouvent sur-sollicitées et cessent de donner.
La place du don au Centre Primo Levi
Les dons occupent une place importante dans le financement des activités du Centre Primo Levi : ils représentent entre 15 et 20% de ses ressources. Chaque année, environ un millier de personnes apportent leur contribution financière au Centre.
Ces donateurs sont le plus souvent… des donatrices ! Elles représentent les deux tiers de nos donateurs et donatrices en 2020 ! Ils et elles sont très fidèles car plus de la moitié des personnes ayant fait un don au Centre Primo Levi le soutenaient depuis plus de 5 ans.
Au-delà de l’apport financier, les dons ont une forte portée symbolique, car ils représentent aussi le soutien apporté par leurs semblables à des hommes et des femmes qui ont été victimes de sévices volontairement infligés par leurs bourreaux. Ils constituent une forme de reconnaissance de ce qu’ont vécu les personnes et du fait qu’elles ont besoin d’être soutenues et soignées.
De plus, un nombre important de donateurs permet au Centre Primo Levi de bénéficier de ressources relativement stables d’une année sur l’autre et de ne pas dépendre de financements institutionnels parfois plus incertains, limités dans le temps et souvent affectés à des actions et des dépenses très précises.
Le soutien de ses donateurs « oblige » le Centre Primo Levi, qui leur doit des remerciements pour leur confiance, bien sûr, mais aussi des garanties sur la bonne utilisation des dons, fournies par l’envoi régulier d’informations sur son activité, la publication de ses comptes et leur contrôle par un commissaire aux comptes.
Une sollicitation respectueuse
La démarche de sollicitation des donateurs s’appuie sur les principes qui fondent l’éthique du Centre Primo Levi. Les personnes prises en charge ont été victimes de graves sévices, ont vécu des événements effroyables. Il est nécessaire d’évoquer ces situations pour informer et sensibiliser le public sur la réalité de la torture, sur le besoin d’apporter une prise en charge adaptée. Mais le respect de la personne et sa sécurité constituent des priorités. Les appels à dons sont rédigés de façon à éviter toute identification (pour leur propre sécurité comme pour celle de leur famille restée au pays). Le Centre Primo Levi s’interdit de publier des textes ou des images « sensationnels » qui pourraient frapper les esprits, mais ferait de la violence un spectacle. C’est la personne en souffrance qui compte, pas ce que lui ont fait subir ses tortionnaires. Pour autant, l’émotion est un ressort important du don et il faut trouver un juste équilibre entre celle que certaines situations peuvent susciter et le respect des personnes qui impose de ne pas tirer profit de leur détresse. C’est un exercice délicat mais nécessaire, au risque, à défaut, de trahir l’identité du Centre Primo Levi.
Un autre équilibre doit être trouvé entre la nécessaire sollicitation et le risque de saturer les donateurs et donatrices. En effet, sauf catastrophe majeure et très médiatisée, les dons sont rarement spontanés. Il faut régulièrement se rappeler au bon souvenir des donateurs, faciliter leur geste en fournissant une enveloppe réponse déjà affranchie, un bulletin de réponse déjà rempli, etc.
Pour autant, l’envoi de messages fréquents et culpabilisateurs peut susciter un rejet légitime. Le Centre Primo Levi s’efforce, là encore, de communiquer régulièrement, mais sans excès. Subtil exercice…
Un échange ?
On considère généralement que l’identification, ou au moins une certaine proximité, constitue un moteur important du don : je donne pour la recherche médicale car j’ai eu un cancer ou bien parce que des personnes de ma famille ont eu une grave maladie. Ce phénomène se retrouve aussi au niveau du Centre Primo Levi. En effet, dans les nombreux messages qui accompagnent les dons, les personnes évoquent leur soutien en lien avec une histoire personnelle marquée par la Seconde Guerre mondiale, l’emprisonnement ou la déportation de membres de leurs familles, etc. L’exil joue aussi un rôle important dans ce processus d’identification : on évoque celui des grands-parents ou des parents fuyant la guerre d’Espagne ou le fascisme en Italie…
Les donateurs et donatrices remercient et encouragent le Centre Primo Levi pour son action, pour ce que son existence représente. Certains s’excusent « de ne pas pouvoir faire plus », « d’apporter une contribution bien modeste », comme s’ils étaient « en dette » à l’égard du Centre, pour la « réparation » qu’il apporte aux personnes que leurs semblables ont voulu détruire. Ou bien se sentent-ils en dette vis-à-vis des patients qu’une appartenance commune à la même humanité n’a pas pu protéger ?
Laurence Janin, responsable de la recherche de financement et Géraldine Rippert, responsable mécenat au Centre Primo Levi
[1] Sondage Odoxa – Leetchi réalisé pour France Bleu et la presse régionale auprès d’un échantillon de 3 015 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, interrogées par Internet du 26 avril au 2 mai 2018.
[2] Panorama national des générosités – Fondation de France, Les études de l’Observatoire de la Philanthropie, avril 2018.
[3] Baromètre de la générosité 2020, France générosités, mai 2021.
[4] Baromètre du comportement donateur de France générosités, réalisé par Kantar Média paru en septembre 2020. Mise à jour en avril 2021.