Les centres maternels : dispositifs de prévention précoce et lieux ressources L’exemple de la Chrysalide

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Lorsque que le centre mère-enfant (CME) La Chrysalide, véritable enveloppe contenante, s’allie à la crèche familiale L’Île aux enfants, le portage institutionnel prend forme. La synergie des dispositifs se met au service de la dyade « mère-enfant » et constitue un véritable soutien à la parentalité pour de jeunes mères, confrontées à des traumas multiples.

Dispositif de prévention précoce, les CME sont portés par les services départementaux de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) afin de travailler sur les problématiques de parentalité, et permettre l’accueil de mères en errance, jusqu’aux 3 ans de leur enfant, dans un contexte où le lien mère-enfant semble fragile. Agées de 18 à 25 ans, avec des parcours divers et variés, elles ont toutes connu des traumas physiques et psychiques. Violence familiale, conjugale, abus sexuels, mutilation, séquestration, rupture familiale ou sociale, traumas liés à la guerre et la précarité, le cumul de ces traumatismes et leur jeune âge rendent d’autant plus fragile le processus de maternalité[1]. Le travail mené par les équipes consiste à assurer un portage suffisant auprès des mères, afin qu’elles puissent à leur tour porter leur enfant. Le CME offre un cadre contenant et sécurisant, permettant la transition de fille à jeune femme et mère, tout en essayant d’éviter la répétition de traumas ou en veillant à ce que ces derniers ne portent pas préjudice au lien mère-enfant et au développement de l’enfant.

Les 3 premières années de vie du nourrisson sont déterminantes dans la poursuite de sa vie d’enfant et d’adulte en devenir

C’est ici que se joue une grande partie de son développement, qu’il soit affectif, moteur, neurologique ou psychologique. Le lien créé dès le plus jeune âge avec la mère ou la figure d’attachement est primordial dans le développement d’un enfant. C’est un être de relation, et les interactions sociales font partie de ses besoins vitaux au même titre que se nourrir ou respirer. La figure d’attachement, souvent incarnée par la mère, représente un havre de sécurité vers laquelle il pourra revenir en cas de besoin, lors de ses expérimentations et explorations du monde environnant. Cependant, l’enfant n’arrive pas toujours à un moment où la mère est en capacité de lui accorder sa disponibilité psychique et de lui prodiguer toute l’attention et les soins nécessaires. Leur parcours de vie traumatique fragilise la dyade mère-enfant particulièrement vulnérable sur ces premières années de vie. À la naissance, l’enfant hérite de toute une histoire sociale, culturelle et familiale. Il s’agit donc de travailler dès que possible à établir, rétablir ou réparer le lien mère-enfant, quand il ne peut s’effectuer dans des conditions propices au développement de l’enfant. En effet, si l’on sait aujourd’hui que ces premiers moments sont cruciaux pour l’enfant, l’observation a permis aussi de mettre en évidence un risque de transmission et de répétition du trauma. Le travail d’accompagnement de ces mères, notamment via une approche psychanalytique, au cœur du projet d’établissement, contribue à l’éviter.

Synergie de deux services et portage institutionnel

Asmae – association œuvrant en faveur de la protection et de l’éducation des enfants – offre un étayage contenant et un accompagnement global des familles, se distinguant des autres centres maternels du département en proposant un hébergement semi-collectif. Les familles disposent d’appartements autonomes, dans l’enceinte de l’établissement, réunissant sur site les deux services, centre maternel et crèche. L’équipe du CME se compose de 6 travailleurs sociaux, 1 maîtresse de maison, 1 agent technique, 5 veilleurs, 1 cheffe de service et 1 psychologue à temps partiel, 1 secrétaire et 1 directrice qui coordonne les deux services. L’équipe crèche se compose de 2 éducateurs de jeunes enfants, 1 cheffe de service et, à temps partiel, 1 psychologue 1 psychomotricienne, 1 pédiatre et 14 assistantes maternelles. Une continuité de service 24h/24 et 7j/7 est assurée, permettant aux résidentes un apprentissage de l’autonomie dans un environnement sécurisé et sécurisant. L’interdiction d’hébergement et l’instauration d’horaires de visite sont autant de règles contraignantes pouvant dans le même temps se révéler protectrices. Certaines éprouvent des difficultés à poser des limites, à elles-mêmes, aux enfants ou aux autres. L’institution leur permet d’expérimenter et d’apprendre à poser un cadre.

La crèche familiale, quant à elle, représente un relais indispensable auprès des enfants, afin que les mères reprennent une formation ou un emploi si elles le souhaitent et ce, dès qu’elles s’en sentent capables. Au-delà, le projet vise à redonner un cadre stable et sécure aux enfants en leur permettant d’investir le lien avec une assistante maternelle, comme figure d’attachement. Porté par l’équipe pluridisciplinaire de la crèche, ce cadre les aide à s’épanouir, à grandir dans un environnement adapté avec les meilleures conditions possibles, tout en surmontant les éventuelles souffrances déjà vécues. Des accueils exceptionnels et d’urgence, nuit et week-ends, peuvent être organisés. Ils permettent aux mères de s’accorder un répit lorsque nécessaire ou de pallier des hospitalisations plus ou moins longues, évitant ainsi des ruptures ou accueils d’urgence par les services de l’ASE.

L’articulation des deux services se fait au travers d’un travail conjoint et quotidien, assurant un étayage renforcé de la mère et des enfants. Le cadre institutionnel est conçu pour accompagner les problématiques de jeunes mères ayant un parcours de vie particulièrement difficile et présentant de nombreux facteurs de vulnérabilité. Il joue un rôle de prévention par différents dispositifs de portage et d’étayage. De nombreux ateliers sont proposés aux familles, certains réservés aux mères, tandis que d’autres sont à destination des enfants. Des ateliers hebdomadaires parents-enfants sont également proposés. Les ateliers portés par le CME sont à visée thérapeutique et constituent un média à la relation entre elles, mais aussi avec l’équipe. L’établissement d’un lien de confiance, tissé et construit tout au long du séjour, nécessite du temps et s’avère indispensable pour des accompagnements parfois complexes. Il convient néanmoins de prendre en compte deux temporalités différentes l’une de l’autre, celle de la mère et celle de l’enfant. La synergie repose sur le postulat que la famille est portée par les deux services, autour du lien mère-enfant. Les observations, réalisées par les équipes sont intégrées dans des temps de travail communs, de l’admission jusqu’à la sortie. À la sortie, se poursuit un accompagnement de transition vers le nouveau logement, aidant ainsi à l’identification des lieux ressources ou partenaires éventuels. Ces échanges pluri- professionnels, permettent de partager les informations, de les analyser et d’élaborer des pistes de travail pour et avec la mère et l’enfant. Les réunions éducatives, synthèses et points familles sont organisés de manière à croiser les regards, envisager et élaborer des pistes de réflexion communes sur la poursuite de l’accompagnement. Réunions d’équipe et d’élaboration, analyse de la pratique professionnelle, systémie et temps de formation, viennent nourrir notre pratique professionnelle.

Traitement réservé aux situations préoccupantes

Lorsque des inquiétudes émergent autour d’une famille, d’un enfant, le portage est renforcé, tant au niveau de la mère que de l’enfant. Le sentiment d’inquiétude n’émerge pas toujours au même moment au sein des équipes. Leur articulation permet d’affiner et compléter nos observations respectives et adapter l’accompagnement de la mère et de l’enfant, au regard de situations à risque ou de danger. En l’absence d’évolution, une réunion pluri-professionnelle peut être envisagée avec le concours des autres instances départementales, avant transmission d’une information préoccupante. Dans les rares cas où l’enfant fait l’objet d’une mesure judiciaire, l’éducateur référent ASE est alerté et une réunion de synthèse s’organise.  Les « situations limites » sont celles où l’enfant est en danger et où l’institution ne parvient plus à tenir ce cadre contenant et sécure pour l’enfant et/ou la famille. La non-adhésion de la mère à l’accompagnement, les absences répétées à la crèche, les rendez-vous non honorés, le cumul d’événements indésirables, la persistance et l’aggravation de la situation malgré toutes les actions mises en place, sont autant de signaux d’alerte. En l’absence de collaboration et de dialogue avec la mère, et d’une modification de son comportement à l’égard de son enfant, l’institution en avise l’inspectrice de l’ASE et sollicite un entretien de recadrage. En revanche, lorsque la mère est à l’écoute et met au travail les violences, négligences et difficultés, l’institution évalue sa propre capacité d’accompagnement, tout en s’assurant que l’enfant est protégé.

La qualité de l’accompagnement du centre maternel réside dans la synergie des deux services. La spécificité de l’accueil d’une crèche familiale, particulièrement adaptée à ces enfants, tout comme l’approche psychanalytique portée par l’équipe, constituent de véritables atouts dans l’accompagnement et le soutien à la parentalité. Les jeunes mères et leurs enfants bénéficient d’un portage institutionnel, incarné par l’ensemble des professionnels de l’établissement, tous investis selon leurs postes et leurs missions, aux côtés des familles. 

Juliette Fouché, Directrice et Agnès Ciron, cheffe de service du centre maternel La Chrysalide, Asmae – Association Sœur Emmanuelle


[1] Concept proposé par Racamier (1961) correspondant à une forme de remaniement identitaire liée à la maternité