Mémoires n°80
Prix : 8 euros (papier) / gratuit (en ligne)
Sommaire
Dossier
A corps perdu
p.2 • Edito : Expression corporelle, par Antoine Ricard, Président du Centre Primo Levi
p.5 • Du corps objet au corps sensible, grâce à la fasciathérapie, par Agnès Afnaïm, médecin généraliste au Centre Primo Levi
p.8 • Certificat médical et demande d’asile. Le corps pris à témoin, par Pierre Motin, responsable communication et plaidoyer
p.10 • La temporalité du corps n’est pas toujours celle de la psyché, entretien avec Nathalie Dollez, psychologue clinicienne et Pamela der Antonian, médecin généraliste au Centre Primo Levi
p.13 • La main à l’écoute des corps des patients, propos de Sylvia Tartaglia, kinésithérapeute, lors du colloque 2011 du Centre Primo Levi
p.14 • La “Réparation” des survivantes des Mutilations Sexuelles Féminines, par Isabelle Gillette-Faye, sociologue, experte séniore, directrice générale de la fédération nationale GAMS
p.16 • L’identité sexuelle n’est pas une marque indélébile sur le corps, par Armando Cote, psychologue clinicien au Centre Primo Levi
Enfants et familles
p.18 • A corps et à cris, par Jacky Roptin, psychologue clinicien au Centre Primo Levi
Regards
p.20 • Save Our Souls, par Marie Rajablat, infirmière bénévole auprès de SOS méditerranée et auteure
Édito
Expression corporelle
Le corps est présent.
Ici et maintenant, « quand un nouveau patient arrive, c’est un corps…qui entre ».
Un corps qui cherche sa place, qui prend sa place, dans la salle d’attente, une salle qui porte mal son nom.
Car le corps n’attend pas, tout en lui circule, palpite, s’agite, il est « en permanence à l’œuvre », le corps ne se tait jamais, il s’exprime, il lance l’alerte.
Le corps sait, il porte en lui le symptôme et le soin.
Le clinicien devient alors un guide, un médiateur, qui va tenter de faire le lien entre le corps patient et le corps soignant : un seul et même corps, désuni par la violence.
Le texte lumineux d’Agnès Afnaïm raconte comment sa main écoute le corps de ses patients et les guide vers la réconciliation.
Le corps est un livre ouvert, un témoin qui parle de sa propre vie dans une langue des signes qu’il faut savoir comprendre et parler.
Des signes mouvants qui changent selon les saisons, les jours, les heures, les secondes : regards, odeurs, muscles, poils, peau, mouvements, sons…
Le corps est un récit.
Un récit de violence parfois.
Violence, quand les signes sont des traces permanentes, douloureuses, des cicatrices ou des blessures qui sont au cœur de la réparation et qui indiquent le chemin à prendre.
Il faut lire l’échange passionnant entre Pamela Der Antonian et Nathalie Dollez au sujet de ce patient qui ne parle pas mais dont le corps raconte l’histoire traumatique. Il faut voir comment le parcours de soin autour de ces stigmates de la violence va peu à peu permettre à cet homme d’évoquer le passé pour pouvoir de nouveau envisager l’avenir.
Le corps est une mémoire.
Il a en lui tous ceux qui ont vécu avant.
Le corps est le fruit d’une généalogie, le résultat d’une multitude de corps, il garde les traces de toutes les époques, de tous les lieux, de tous les modes de vie.
Chaque corps est une carte de toutes les identités, une carte de l’humanité.
Le corps est un trésor qui recèle le secret de la vie
Universel et unique, fragile et puissant, désirable et inviolable, familier et mystérieux.
Le corps est le lieu de la dignité humaine.
Aussi, quand un corps humain, cette merveille, en brutalise un autre, il n’y a pas de plus grande défaite.
Cet enjeu-là est politique, il est même l’essence de la politique, il est au cœur du travail de nos soignants.
Au Centre Primo Levi, quand une personne arrive, c’est un corps qui entre dans le temps du soin, il porte sur lui une vie d’exil et de violence, il porte en lui une part de l’histoire mouvementée des hommes, il cherche à retrouver sa dignité et le désir de vivre.