Les progrès des méthodes d’information nous permettent aujourd’hui de vivre les conflits en temps réel et d’être immergés dans le quotidien effarant des victimes de Daesh, dont les médias nous parlent presque exclusivement. Pourtant, cette région du monde n’est pas une exception et le XXIème siècle n’est malheureusement pas le premier à avoir vu des centaines de milliers de civils chassés de chez eux par la violence : les deux guerres mondiales, la guerre du Vietnam, les génocides rwandais et arménien, la guerre civile en RDC ou encore la répression des Tchétchènes sont quelques uns des conflits passés ou en cours qui, eux, aussi, ont contraint des personnes comme vous et nous à devenir des « refugiés ».
L’accueil de ces personnes est non seulement un devoir moral et un engagement conventionnel, mais aussi une opportunité d’enrichissement pour la France. Et notre pays, 6ème puissance mondiale, est tout à fait en mesure d’accueillir ceux qui parviennent jusqu’à chez nous. L’argument de la crise du chômage est souvent avancé pour contrecarrer cette idée. L’économiste Jean-Marc Daniel expliquait pourtant il y a quelques jours sur un plateau de télévision que « toute économie, quelle qu’elle soit, même avec du chômage, est en situation d’absorber une main d’œuvre quand elle est en conformité avec les besoins et la réalité de son développement économique. » Il rappelait que les chiffres du chômage cachent en fait une crise de l’embauche (en avril, Pôle emploi recensait 1, 7 million d’emplois pour lesquels les entreprises avaient des difficultés à recruter et dont les Français ne voulaient plus). « Ce ne sont pas les réfugiés qui ne sont pas en conformité avec les besoins, a-t-il reprit. S’ils ont la volonté de se former et de s’insérer sur un marché du travail potentiellement dynamique, ils peuvent être une force et une chance pour la France. »
Côté logement, La Croix nous apprenait mercredi dernier que la perspective d’accueillir près de 30 000 réfugiés supplémentaires en deux ans avait « révélé des gisements insoupçonnés » : 77 000 HLM vides, 9 000 places dans les centres de formation de l’Afpa, des solutions dans les casernes ou les hôpitaux désaffectés, sans compter l’élan de générosité manifesté par les maires de France et les particuliers. Ces logements ne pourront pas tous être mobilisés pour les réfugiés, mais en comptant les nouvelles places promises en centre d’accueil (CADA) et en centre d’hébergement, cela montre encore une fois que l’accueil des réfugiés n’est qu’une question de stricte volonté politique.
Cela dit, au-delà du logement et du premier accueil, il faut prendre conscience que ces personnes, qui pour beaucoup gardent des traumatismes de ce qu’elles ont vécu et vu dans leur pays et sur le chemin de l’exil, vont aussi avoir besoin de soins. « Ce type de traumatisme nécessite une prise en charge adaptée, explique Eléonore Morel, directrice générale du Centre Primo Levi, or l’Etat ne dispose pas aujourd’hui d’un dispositif de santé capable de soigner ces personnes ». Les structures de soins adaptées, toutes associatives, se comptent sur les doigts d’une main et ont au total une capacité d’accueil de 4 900 personnes…Des initiatives locales commencent à apparaître, notamment à Paris où quelques centres de santé municipaux ont été mobilisés pour délivrer des bilans médicaux complets. Mais soigner des traumatismes liés à la torture, aux violences extrêmes et à l’exil exige une prise en charge sur la durée, un personnel soignant formé et un recours à des interprètes professionnels.
Accueillir les hommes, les femmes et les enfants qui ont fui leur pays nécessite du courage et de la volonté politique. Avec une véritable politique d’accueil, le droit d’asile retrouverait ses lettres de noblesse et ces personnes seraient à nouveau considérées comme une richesse pour la France.