«Sous-dotés en personnel» et avec des «capacités limitées» alors que la demande ne cesse de croître, ces centres offrent des modes de prise en charge psychiatrique inadaptés car «souvent basés sur des thérapies courtes et non pas des psychothérapies longues comme en ont besoin les personnes exilées», ajoute Arnaud Veisse. Construire un environnement de soins prend du temps, d’autant plus «face à des gens qui ne font souvent plus confiance en l’homme», note Sibel Agrali. «On ne se rend peut-être pas compte mais tout peut être difficile face à un médecin : parler de ce qu’on a vécu, devoir se faire ausculter ou se déshabiller.»Ne pas imposer de parcours de soinsPour pallier ce manque de soins psychologiques, plusieurs services associatifs proposent des prises en charge avec des professionnels. C’est le cas du centre Primo-Levi et du Comede, qui permettent «de suivre une partie non négligeable de ces personnes dans la limite de [leurs] moyens», poursuit le directeur du Comede, Arnaud Veisse. Sur une année, ce dernier accueille tout de même «au moins 8 000 personnes de 150 nationalités dans les différentes régions de France».Parmi les personnes reçues, «50 % viennent d’elles-mêmes» car «voir un psychologue est devenu de plus en plus intégré», note Sibel Agrali. La moitié restante est détectée par le biais du monde associatif, des Cada et des lieux d’hébergement qu’elles fréquentent. Dans une logique d’«aller vers», pour toucher celles et ceux qui ne seraient pas venus d’eux-mêmes, des équipes mobiles psychiatrie précarité ont été mises en place en 2005. «Une très bonne initiative de repérage et de soins mais comme tout, encore insuffisamment dotée», regrette Arnaud Veisse.Malgré la nécessité de toucher le plus grand nombre et de détecter les personnes ayant besoin d’aide psychologique, «il ne faut pas imposer un parcours de soins», avertit Sibel Agrali. Pas question de rendre obligatoire un rendez-vous médical ou psychologique dès l’arrivée en France. «Il faut laisser les personnes prendre leurs marques, chercher si elles ont un entourage ou des nouvelles de leur famille, énumère-t-elle. Après on verra. Chacun a sa temporalité.»