Éviter la coupure

Éditorial du rapport annuel 2024.

EN 2024 DISPARAISSAIT UN HUMANISTE ESSENTIEL, ROBERT BADINTER.

Marqué dans son histoire personnelle par la violence politique, il a milité sa vie durant pour la défense des droits humains et contre toute forme de torture et bien sûr contre la peine de mort, son grand combat. D’une phrase il a résumé les effets de la peine de mort et marqué les esprits : « un homme coupé en deux ». Au moment de se pencher sur l’année qui vient de se terminer, je voudrais emprunter à Robert Badinter cette idée : la violence politique, verbale ou physique, le totalitarisme, le fascisme, l’extrémisme politique ou religieux conduisent à couper les peuples en deux : résistants ou collabos, héros ou traîtres, patriotes ou mondialistes, peuple ou élite, juif ou musulman, « main à charrue » ou « main à plume », la liste est si longue et les ravages si documentés que personne, jamais, ne devrait pouvoir dire en parlant des extrémistes qui briguent le pouvoir « on ne sait pas tant qu’on n’a pas essayé ». Car si, nous savons justement, car nous avons essayé ; les bibliothèques, les cinémathèques, les musées et tout simplement les journaux sont remplis de témoignages, il suffit d’ouvrir les yeux. Au moment de revoir le bilan 2024 de notre association, c’est donc cette idée que je voudrais retenir : l’état de violence qui préside à tout totalitarisme coupe les peuples en deux.

COMMENT ÉVITER LA COUPURE ?

A notre place, modeste mais tellement importante, nous avons en 2024 continué à renforcer nos bases pour pouvoir agir et peser. Nous avons accueilli une nouvelle directrice générale, Tatiana Theys, ayant œuvré pendant 20 ans au sein de directions d’hôpitaux ; elle apporte une vision pour l’avenir et une large palette de compétences en santé publique, nécessaires pour adresser la complexité de nos problématiques. Elle a pu reprendre et mener à bien le projet d’aménagement de nouveaux locaux, structurant pour notre association et son développement. Après 30 années dans le 11ème arrondissement de Paris, nous avons déménagé dans le 13ème arrondissement en janvier 2025, dans des locaux rénovés et adaptés à l’accueil des patients, du centre de formation et de l’équipe. C’est une belle réussite pour le Centre Primo Levi.

En 2024 l’activité fut intense, avec la publication d’un rapport de plaidoyer sur la santé mentale, l’obtention de la certification « Qualiopi » pour notre centre de formation, l’ouverture d’un centre de ressources en ligne, la réalisation de deux séries de podcasts (« Infranchissables frontières » et « Vieillir en exil ») et une intervention en Ukraine pour former l’équipe du service de psychiatrie de l’hôpital de Lviv. Et bien sûr, nous avons continué à recevoir nos patients, avec la prise en charge de 377 patients et honoré 6 226 consultations, en forte augmentation par rapport à l’année 2023. Nous avons également préparé l’année 2025, qui sera celle du trentième anniversaire de la création du Centre Primo Levi. Nous jalonnerons cette année d’évènements destinés à marquer ce moment si important pour notre association. Nous en ferons aussi une année de consolidation de nos liens avec nos alliés du monde associatif face à un affaiblissement sans précédent de la société civile par la baisse voire la suppression des financements. Cette vision est folle, c’est exactement l’inverse qu’il faudrait faire, s’inspirer des millions de solutions concrètes mises en oeuvre par des millions de français qui agissent. Cette citoyenneté active par l’engagement est un ensemble de ruisseaux et de rivières qui forment le fleuve de la démocratie. Assécher le monde associatif, c’est assécher la démocratie, ce sont des liens sociaux moins vivants, moins productifs. Assécher le monde associatif, c’est créer du repli, des tensions et in fine, c’est favoriser l’arrivée au pouvoir de partis extrémistes avec leur promesse mortelle de couper la société en deux.

NOUS SOMMES ICI, TRÈS PRÉCISÉMENT, AU COEUR DE NOTRE COMBAT

En 2025, à son niveau, le Centre Primo Levi œuvrera avec ses alliés de la société civile pour faire entendre la voix des millions de citoyennes et de citoyens qui agissent au quotidien, de façon constructive et paisible, pour résoudre la crise sociale, économique, écologique et démocratique qui mine notre société.

Antoine Ricard, président du Centre Primo Levi.


Retrouvez le rapport annuel 2024