Si l’on excepte les frontières naturelles, qui ont constitué depuis les premières civilisations des barrières physiques à la mobilité humaine (océans, chaînes de montagne, fleuves), les frontières édifiées de main de l’homme ont eu tout d’abord la vocation de marquer son territoire, de se protéger de l’autre, du “barbare”. Les vestiges du mur d’Hadrien en Grande-Bretagne ou la Grande muraille de Chine attestent, en des temps et des lieux distincts, de ces préoccupations. Les frontières y compris intérieures ont également eu pour objectif majeur de contrôler les échanges de marchandises et les recettes fiscales des pouvoirs en place.
La structuration d’un monde en “blocs”, empires coloniaux, bloc communiste, a connu son apogée puis son effondrement à la fin du XXe siècle.
En ce début de XXIe siècle, il convient de s’interroger sur la réalité à laquelle renvoie la notion de frontière. Tandis que la mobilité des personnes est synonyme de progrès et de modernité dans de vastes zones d’échanges supranationales, comme l’Union européenne, dont les frontières intérieures sont ouvertes, d’autres États renforcent leurs frontières afin de limiter voire d’empêcher leur traversée. À l’utopie d’un monde sans frontières où chacun serait libre de circuler, de s’installer et de travailler s’oppose un contrôle renforcé voire une militarisation des frontières. L’ouverture s’efface devant la fermeture, la liberté devant le contrôle. La zone de passage, le lieu de contact et d’échange se transforme alors en un lieu d’exclusion et de conflit comme l’illustre la tragique actualité des migrants en Europe et en Méditerranée.
Le Musée national de l’histoire de l’immigration propose d’explorer ces problématiques contemporaines dans le monde et plus particulièrement en Europe et en France, pour montrer à quel point les frontières, loin de s’estomper au fil des siècles, se sont complexifiées et dans quelle mesure, en raison de l’évolution de leur nature et de leurs fonctions, elles influencent de fait les processus migratoires, mais aussi les sociétés qui décident de les édifier.
Présentés dans une scénographie qui s’articule autour des concepts d’ouverture et de fermeture, archives, cartes géographiques commentées, objets de mémoire, œuvres d’art, articles de presse, photographies, vidéos, témoignages, œuvres littéraires et récits de migrants, au total 250 objets ponctuent un parcours thématique qui met en scène les relations entre frontières et migrations. Fondée sur des collections historiques, d’art contemporain et d’ethnographie, l’exposition retrace trois aspects de cette histoire des frontières et pose un regard diachronique, politique, économique ou sociétal, sur les murs-frontières dans le monde, puis en Europe (zone Schengen et la Méditerranée) avant de traverser la France.
Commissaires scientifiques de l’exposition :
Catherine Wihtol de Wenden, docteur en science politique.
Yvan Gastaut, historien de l’époque contemporaine (XIXe-XXIe siècles), maître de conférences à l’université de Nice Sophia Antipolis.