Le forfait Solidarité transport est un dispositif de la région qui permet aux bénéficiaires de certaines aides sociales de demander une réduction de 75 % sur le Pass Navigo. Créé en 2006, ce dispositif alors appuyé par le Syndicat des transports d’Ile-de-France et le conseil régional vise à « lever les freins à la mobilité pour les personnes sans ressources et faciliter la recherche d’emploi ». Il permet aussi à ces personnes d’accéder aux services sociaux et aux centres de santé.
Or, depuis le 1er mars, ce forfait n’est plus ouvert aux bénéficiaires de l’Aide médicale d’Etat, un dispositif permettant aux étrangers sans papiers d’accéder à des soins.
Ces personnes qui n’ont pas le droit de travailler et qui sont donc pour la plupart sans ressources ont pourtant besoin de se déplacer, notamment pour se rendre dans les centres de santé et les services sociaux, ou pour régulariser leur situation administrative. Cette mesure aura en réalité pour conséquences d’isoler encore plus les personnes les plus en difficultés et de rajouter des obstacles dans leur accès aux droits.
Quel impact pour les patients du Centre Primo Levi ?
Pour ses patients hébergés loin de Paris et dont le suivi est très régulier, le Centre Primo Levi pouvait financer un Pass Navigo grâce à la réduction accordée par la région. Aujourd’hui, c’est un budget supplémentaire de 30 000€ que le Centre devra allouer à ces aides exceptionnelles… s’il le trouve.
« Cette décision du Conseil régional est une catastrophe pour beaucoup de nos patients », explique Sibel Agrali, directrice du centre de soins.
Parmi eux se trouve Amanda K., 22 ans, qui a fui le Sri Lanka il y a quatre ans. Elle et sa famille recevaient depuis des mois des menaces de mort en raison des implications politiques de son père. Pas une seule fois elle n’avait imaginé quitter son pays, jusqu’à ce qu’un jour la milice débarque chez eux, fasse pleuvoir des coups de matraque sur l’ensemble de la famille et finisse par embarquer son frère et son père dont elle n’a plus jamais eu de nouvelles. Son histoire, « trop calquée » sur tant d’autres histoires, n’a pas été crue par les juges de l’asile. Amanda a été déboutée de sa demande et, n’ayant pas d’autre choix, attend de pouvoir déposer une demande de réexamen. Pendant les quelques mois d’intervalle, elle se retrouve en France en situation irrégulière… Heureusement, elle peut continuer à se faire soigner grâce à l’Aide médicale d’Etat. Mais sans ce forfait qui lui permettait de se rendre au Centre Primo Levi et dans les autres structures d’accompagnement, comment pourra-t-elle continuer à aller voir le médecin et le psychologue ? Renvoyée du centre d’accueil auquel sa situation administrative ne lui donnait plus droit, elle n’a pu trouver d’hébergement que chez une cousine lointaine, à Mantes-la-Jolie. Soit 16,80€ pour un trajet aller/retour jusqu’au Centre Primo Levi, à Paris, où elle a une consultation par semaine…
Une mesure contraire à la loi
Outre le fait qu’elle précarise et stigmatise les étrangers sans papiers, la décision du Conseil régional de supprimer le forfait Solidarité Transport pour les bénéficiaires de l’AME est contraire à la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain (SRU) promulguée le 13 décembre 2000 et codifiée à l’article L.3111-1 du Code des Transports [*], qui consacre le droit à une réduction de 50% des tarifs de transports en commun partout en France pour toutes les personnes dont les ressources sont égales ou inférieures au plafond fixé par le gouvernement en matière de Complémentaire CMU (soit actuellement 720 euros/mois pour une personne seule), quelle que soit leur nationalité ou leur situation administrative.