Partager son savoir-faire, transmettre ses compétences, en France mais aussi dans les pays touchés par les conflits et la violence, est une des missions prioritaires de l’association. Du 27 octobre au 2 novembre dernier, Helena d’Elia et Armando Cote, tous deux psychologues cliniciens au Centre Primo Levi ont effectué une formation auprès du centre Niiso. Ce centre accueille et soigne des victimes de torture et de violence politique en Tchétchénie. Une mission particulièrement difficile dans le contexte actuel du pays, officiellement « sorti » de la guerre et pourtant encore très marqué par la violence.
Installé au sein d’un local très modeste à Grosny, le centre Niiso rassemble une équipe pluridisciplinaire composée d’une directrice, son assistante, 2 juristes, 3 psychologues, 2 travailleurs sociaux, 1 médecin, 1 comptable. Reconnu par les autorités tchétchènes, ce centre de réhabilitation pour les victimes de la guerre et de la violence politique n’en est pas moins en prise avec de nombreuses difficultés.
Au cours de la formation qui a permis d’aborder différents thèmes tels que le travail réalisé par le Centre Primo Levi en France, les apports théoriques et pratiques sur le trauma et ses effets, la question de la reconnaissance du handicap physique ou encore les problèmes spécifiques liés à l’adolescence… de nombreuses questions ont surgies.
Au cours de leur vie, les intervenants du centre Niiso ont tous été confrontés à la guerre. L’intrication entre le singulier et le collectif est particulièrement présente chez eux. Ce qui pose la question de la distance et de la neutralité dans leur travail, par rapport aux personnes accueillies.
Le climat d’insécurité et de peur qui n’a jamais cessé de régner dans le pays pèse également fortement sur les échanges et sur les actions mises en place auprès des patients.
Le sens même de leur action est questionné. Comment en effet aider les personnes à se reconstruire alors que les violences subies ne sont pas reconnues et les responsables identifiés ?
Au quotidien se pose la question de l’avenir et de la place de la jeunesse dans le pays. Dans une société fortement corrompue, imprégnée par la violence passée et présente, marquée par un fort taux de chômage, comment peut s’épanouir une nouvelle génération ? C’est toute la question de l’impact transgénérationnel de la violence qui est ici posée, à l’échelle du pays tout entier.
Malgré ces difficultés, l’équipe du Centre Primo Levi a été frappée par la détermination et le courage de l’équipe de Niiso. Très engagés auprès de leurs patients, ses membres s’emploient en parallèle à créer des espaces d’expression et d’échange dans le pays pour qu’à terme toute la société civile puisse se reconstruire. Certains d’entre eux sont investis au sein de projets culturels. D’autres se consacrent à des programmes en faveur des veuves, des invalides et des orphelins, qui constituent de véritables problèmes nationaux en Tchétchénie.
Au-delà des apports théoriques apportés par le Centre Primo Levi, ce type de formation permet aux professionnels qui travaillent dans des contextes particulièrement difficiles d’accéder à un temps propice à la prise de recul. De permettre aussi le dialogue entre les membres de l’équipe pour mieux travailler ensemble. Un temps qu’ils ont du mal à trouver dans leur quotidien tant est douloureux et lourd leur contexte de travail.