Tout autant que les hommes, dans tous les pays où perdurent ces pratiques, les femmes sont victimes d’emprisonnement arbitraire, de viols, de coups ou encore de menaces. Il existe même des formes de persécutions qui les visent spécifiquement en tant que femmes, telles que les viols de masse commis dans le cadre d’un génocide ou les mutilations génitales féminines destinées à contrôler leur sexualité.
Ces femmes sont nombreuses en France et pourtant peu visibles. En 2014, elles ont été près de 25 000 à demander l’asile en France [1]. Si elles ne représentaient « que » 38% de l’ensemble des demandes, c’est parce que pour elles encore plus que pour les hommes, la fuite et l’exil constituent le tout dernier recours quand il devient impossible de rester au pays. « Les obstacles sont particulièrement nombreux, explique Eléonore Morel, directrice générale du Centre Primo Levi, qu’il s’agisse des difficultés financières liées au fait qu’elles sont plus souvent dépendantes économiquement, ou du risque d’exploitation ou d’abus sexuel par les passeurs ».
S’agissant de l’accès des femmes à l’asile, il faut reconnaître des avancées dans les jurisprudences relatives aux persécutions liées au genre, en particulier la reconnaissance du statut de réfugié aux femmes fuyant l’excision, renforcée par une directive européenne de 2013. Sur les cinq dernières années, le taux moyen d’admission des femmes à la protection de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (16,3%) est supérieur de 4 points au taux moyen général (12,6%).
Si les femmes restent minoritaires parmi les demandeurs d’asile, leur proportion continue d’augmenter légèrement au centre de soins Primo Levi, où 32 femmes ont été admises depuis début 2015, et 170 au total ont été prises en charge. « Il y a d’ailleurs presque autant de pays d’origine que de nouvelles patientes, relève Eléonore Morel, même si les régions d’Afrique subsaharienne, du Caucase, du Moyen-Orient et du sous-continent indien se dégagent. »
Nancy [2], par exemple, y est suivie depuis février 2014. Le 28 septembre 2009, elle était dans la manifestation pacifique du mouvement dit des « forces vives » au stade de Conakry, en Guinée, pour s’opposer à la candidature de Camara aux élections présidentielles. Elle a survécu au bain de sang commis par la garde présidentielle, mais n’a pas échappé aux arrestations massives. Les semaines qui ont suivi restent difficiles à reconstituer : le centre de détention de Koundara où elle a été menée est tristement connu pour les tortures qui y sont pratiquées. Les viols, simulacres d’exécution et autres formes d’actes dégradants étaient son quotidien, et elle a même été forcée à plusieurs reprises d’y contribuer envers d’autres détenus.
Aujourd’hui encore, Nancy vit dans le mutisme. Elle a obtenu, après 10 mois d’exil et d’attente, le statut de réfugié qui lui permet de rester en France. A la suite des viols qu’elle a subis est née une petite fille, Sarah, qui est devenue sa seule raison de vivre. « A la rentrée prochaine, Sarah devrait pouvoir être scolarisée et si d’ici là sa mère ne retrouve pas les repères et la santé nécessaires pour se remettre à travailler, elle se retrouvera à nouveau seule avec ses fantômes », craint la directrice. Au Centre Primo Levi, Nancy est suivie par une psychologue et un médecin – toutes deux femmes car elle n’a pas voulu se confier à un homme.
Isolées et pourtant nombreuses, ces femmes ont besoin de soins adaptés pour retrouver un équilibre et une vie normale. Elles ne pourront pas, du moins pas dans un futur proche, retourner au pays où les menaces de persécutions restent fortes : c’est donc en France qu’elles doivent se recréer cette vie.
[1] 24 837 demandes de protection internationale, incluant les premières demandes, les réexamens et les mineures accompagnantes (source : rapport d’activité 2014 de l’OFPRA)
[2] Le nom et certaines données de son parcours ont été modifiés