L’intervention d’un interprète permet à 59 % des patients de comprendre et de se faire comprendre

Article issu du rapport annuel 2021.

Le Centre Primo Levi a, dès sa création, posé la nécessité de prévoir la présence d’un interprète lorsque le patient le souhaite. C’est une des spécificités du Centre, pour lequel l’interprétariat est le deuxième poste budgétaire. Sans l’intervention d’un interprète professionnel, 59 % des patients du centre de soins ne pourraient ni comprendre ni se faire comprendre des cliniciens impliqués dans le parcours de soin. Le recours systématique aux interprètes existe rarement dans les structures d’accueil en France, car il est souvent considéré comme trop coûteux et trop compliqué, notamment en raison d’une certaine réticence du personnel soignant à faire entrer un tiers dans l’espace thérapeutique. Pour ces mêmes raisons, les structures hospitalières n’ont pas recours systématiquement à des interprètes, ou font appel aux membres de leur personnel parlant une langue étrangère. Ainsi, à ce jour, de nombreuses victimes de torture ne reçoivent pas de soins médicaux dans le système de droit commun du seul fait de l’obstacle de la langue.

Le Centre Primo Levi s’efforce de faire en sorte qu’un seul et même interprète professionnel intervienne dans le cadre du suivi d’un patient et de proposer un interprète différent à chacun des membres d’une même famille. Quand cela est possible, il arrive également que des patients soient suivis par des soignants parlant leur langue. Le nombre de patients ayant eu recours aux services d’un interprète est stable depuis 2 ans. Du fait des suites de la crise sanitaire, le recours à l’interprétariat à distance se poursuit encore aujourd’hui, notamment vis-à-vis de certains patients qui limitent leurs déplacements en raison de leur grande vulnérabilité ou de leur anxiété par rapport au risque sanitaire. Mais l’intervention à distance demeure une exception. « En deuxième moitié de 2020, nous étions encore sur un format hybride, mais nous sommes, dans la plupart des cas, revenus sur des consultations en présentiel, avec donc la présence de l’interprète », indique Sibel Agrali, la directrice du centre de soins.

Au total, 32 langues différentes ont été recensées parmi l’ensemble des patients, en majorité le lingala[i], le russe et l’arabe. Certaines langues sont parlées par un petit nombre de patients comme le soninké[ii], le peulh guinéen, le tigrigna[iii], l’amharique[iv], le somali, le géorgien… Nous constatons aussi une forte augmentation des vacations hebdomadaires (45), due à une diversité de la provenance des personnes suivies au Centre Primo Levi et à la volonté de proposer des interprètes différents pour certaines langues, notamment quand il s’agit de personnes issues d’une même famille. Le travail de coordination des interprètes est important et l’organisation très bien huilée. Ce sont les membres du service Accueil qui gèrent cette machinerie. Et qui jonglent entre les plannings, d’une part, des psychologues, médecins, assistantes sociales, juriste ; d’autre part, des interprètes ; et, enfin, avec la disponibilité des personnes suivies au centre de soins : « Nous avons par exemple quatorze interprètes qui interviennent rien que le mardi matin, dit Sibel. Ils assurent des permanences pour ce qui est du suivi psychologique, avec des rendez-vous stabilisés. »


Les chiffres

46 pays représentés

59 % de patients reçues avec interprète

34 % des consultations ont eu lieu avec interprète

45 demi-journées d’interprétariat par semaine

32 langues parlées


[i] Langue bantoue parlée en République démocratique du Congo et en République du Congo

[ii] Le soninké est une langue mandée. Elle est parlée principalement au Mali.

[iii] Langue officielle de l’Érythrée et, en Éthiopie, de l’État régional du Tigré.

[iv] Langue officielle de l’Éthiopie.