Projet de loi de finances 2025, position du Centre Primo Levi

Volet immigration-asile

Position du CPL / Insuffisance des dispositifs de droit commun et nécessité d’avoir des centres de soins spécifiques

Une personne exilée sur cinq souffre d’un trouble psychique sévère. Si nous rapportons ce chiffre aux 145 522 demandeuses et demandeurs d’asile en France décomptés en 2023, 29 000 personnes sont susceptibles d’être touchées. Comme nous le soulignons dans notre rapport « La santé mentale des personnes exilées : une souffrance invisible », le système de santé actuel ne répond pas à cet enjeu. La prise en charge médico-psychologique des personnes exilées demeure largement sous-dimensionnée en France, notamment au niveau de la prise en charge précoce, seule condition pour diminuer les troubles, les risques de décompensation et leur coût à long terme.

Le recours à l’interprétariat professionnel représente aussi un enjeu majeur, non seulement dans l’identification des besoins, mais aussi dans l’orientation vers les soins. Une grande partie des personnes exilées en France ne parlent pas suffisamment le français pour bénéficier d’un suivi médical de qualité sans avoir recours à un interprète. Cette nécessité a été largement négligée dans les politiques publiques de santé.

L’autorisation d’engagement de 3 070 662 € pour la prise en charge médico-psychologique des demandeurs d’asile victimes de torture parait ainsi très en dessous des besoins. 

Position du CPL / Le renforcement du « trauma social »

La suppression annoncée dans le projet de loi finances de 6 429 places en hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile s’ajoute à la fin du financement de 2 895 places prévues en 2024 mais non ouvertes. Au total 9 324 places hébergement vont disparaitre. Or fin 2023, seuls 42% seulement des demandeurs d’asile étaient hébergés. Cette suppression va augmenter la charge des autres structures de premier accueil et créer des campements informels, auxquels vont devoir faire face les collectivités locales en première ligne dans la gestion de ces situations. Santé publique France l’écrit : « La santé des exilés, qu’ils soient immigrés, réfugiés, demandeurs d’asile ou étrangers en situation irrégulière, […] se dégrade rapidement, résultante non seulement des difficultés d’accès aux soins, mais aussi et surtout du traitement qui leur est fait par la société où ils espéraient fonder une nouvelle vie ».

Notre équipe fait état d’un débordement de la question sociale dans les consultations (difficulté d’accès à l’hébergement, aux services d’hygiène, aux dispositifs de suivi médical, à l’information officielle, manque de ressources, isolement). La précarité des conditions d’accueil vient faire obstacle aux soins et donc à la reconstruction. Alors qu’elles n’ont pas pu dire « non » aux violences, les personnes prises en charge font de nouveau face à l’absence de choix. Ces attaques du réel sont ce qu’il y a de plus difficile dans la clinique du Centre Primo Levi, car elles empêchent de se préoccuper de la souffrance psychique originelle.

Volet santé

Position du CPL / Pour une prise en compte des personnes exilées dans l’identification des usagers du système de santé mentale en France et des associations les accompagnant

Le Centre Primo Levi appelle à une prise en compte des personnes exilées dans l’identification des usagers du système de santé mentale en France, et des associations les accompagnant. La potentielle lourdeur des troubles psychiques des personnes exilées appelle un fort travail de prévention et de détection, la faiblesse structurelle des moyens dédiés sur ce sujet n’est pas à la hauteur de cet enjeu de santé publique. Nous appelons notamment à généraliser la proposition d’un bilan de santé, y compris en santé mentale, dans les premiers mois de présence en France des nouveaux arrivants, en présence d’interprètes, et à la mise en place d’études épidémiologiques à l’échelle nationale sur les personnes exilées souffrant de troubles psychiques, nécessaires pour ajuster les réponses en termes de prévention.