Le génocide rwandais, la guerre civile en République démocratique du Congo, aujourd’hui la guerre avec l’Etat islamique, les dictatures au Soudan et en Erythrée ou encore la persécution des Tchétchènes ont forcé ou forcent des milliers de civils, qui jusque-là menaient une vie comme la nôtre, à fuir leur pays et à chercher refuge ailleurs. Ils « cherchent » plus qu’ils ne « trouvent » refuge car les obstacles sont nombreux sur leur parcours et les pays d’accueil sont bien souvent des pays de « non-accueil », voire de « désaccueil ». Leurs traumatismes sont ainsi redoublés par l’exil et les conditions de vie à leur arrivée. Entre les événements en Syrie et en Irak, le scandale des naufrages en Méditerranée et la question de l’expulsion des campements parisiens, l’actualité récente est particulièrement tournée vers ces réalités mais oublie souvent que beaucoup de ces exilés ont été victimes de violences extrêmes et ont besoin de soins.
Créé il y a tout juste vingt ans, le Centre Primo Levi offre à ces derniers une prise en charge psychologique et médicale ainsi qu’un accompagnement juridique et social. Vingt ans d’accueil et de soins, donc, mais aussi vingt ans de formation des professionnels et de plaidoyer pour améliorer la prise en charge de cette population invisible.
En France, quelques avancées sont à saluer, notamment dans la connaissance du psychotraumatisme en lien avec la violence politique, qui commence à apparaître dans la formation universitaire et professionnelle. La création de centres de soins spécialisés tels que le nôtre ne peut être considérée comme une avancée, du moins sur le long terme : face aux millions de civils jetés chaque année sur les routes par les conflits et face aux quelques dizaines de milliers d’entre eux qui demandent l’asile en France, ces structures associatives ne peuvent apporter une réponse satisfaisante sans une prise en compte plus large de cette population — il s’agit là d’un enjeu majeur d’ordre à la fois social, politique, sanitaire et bien sûr humain.
D’autres évolutions sont à déplorer, en particulier la nette dégradation des conditions d’accueil des demandeurs d’asile en France, avec des conséquences directes sur leur santé physique et psychique.
Fort de son expérience unique, le Centre Primo Levi souhaite avec ce rapport présenter ses constats, casser certains préjugés et tirer les conclusions nécessaires pour offrir une vie digne à ces personnes brisées par la violence.