Réfugiés : un nouveau regard ?

Enfin. Enfin on parle des réfugiés pour évoquer les dangers de leur parcours, pour expliquer que ce n’est pas par plaisir ou pour d’hypothétiques allocations que l’on quitte son pays, sa maison, sa communauté pour prendre la route de l’exil.

L’élan de solidarité et de mobilisation autour de la question de l’accueil des réfugiés et le soudain « coup de projecteur » donné à cette question nous inspirent à la fois de l’espoir et des craintes.
Espoir tout d’abord que l’on change enfin de regard sur ces personnes, que l’on connaisse et comprenne mieux les raisons qui les poussent à l’exil.

Espoir que l’on échappe enfin à la rhétorique simpliste des « bons » et des « mauvais » réfugiés, de « l’invasion» et de « l’afflux » des réfugiés, alors que la réalité est que 60 000 personnes environ demandent l’asile en France chaque année et que l’on parle aujourd’hui d’accueillir en plus 24 000 personnes sur deux ans… (faut-il rappeler que la Jordanie, la Turquie ou le Liban accueillent chacun plus d’un million de réfugiés ?).
Mais nous redoutons aussi que cette frénésie médiatique, comme d’autres avant elle, retombe sans réel effet ou pire encore, génère un sentiment de saturation et de rejet, en donnant l’impression que les réfugiés se voient accorder des droits et des avantages exorbitants.

Quelle place pour ceux qui sont déjà là ?

La France a pris des engagements pour accueillir plus de réfugiés et mieux les accueillir. C’est bien. Mais qu’en est-il de ceux qui sont déjà sur notre territoire, en cours de procédure ou déboutés ?
Les Syriens ou les Irakiens sont loin d’être les plus nombreux à demander l’asile en France : environ
2 000 syriens ont obtenu le statut de réfugié en 2014.

D’autres conflits oubliés de l’actualité poussent à l’exil des populations qui ont autant souffert ou continuent à endurer une répression féroce, au Congo par exemple ou en Tchétchénie.

Il serait obscène de se lancer dans une comparaison de la souffrance et là n’est pas notre propos. Mais justement le droit d’asile ne peut pas être à géométrie variable ! Et on peut légitimement s’interroger sur la pertinence, dans ce contexte, de la toute récente réforme du droit d’asile.

Il est difficile d’esquisser en quelques lignes les conditions d’un accueil digne de ce nom. Mais il existe quelques mesures simples, qui peuvent améliorer les conditions de vie de tous les demandeurs d’asile et faciliter leur intégration.

Tout d’abord, il est temps de cesser de faire comme si ces personnes allaient résider temporairement sur notre territoire, le temps que l’on décide – ou pas – de leur accorder un statut stable de réfugié : ces personnes vont rester et il faut penser leur accueil dans la durée.

Repenser l’accueil

Ainsi, avec les budgets alloués, depuis des années, à l’hébergement dans des hôtels vétustes et insalubres (400 millions d’euros par an), on pourrait construire ou équiper des logements décents ! Il est grand temps de remettre en cause cette politique, dénoncée de longue date par les organisations en charge de l’hébergement d’urgence.

Il est essentiel aussi de promouvoir la pratique de l’interprétariat dans les lieux de soin. Nous constatons trop souvent que les budgets existants ne sont pas utilisés, car de nombreux professionnels ne veulent pas ou ne savent pas adapter leurs pratiques et accepter un tiers dans une consultation médicale. Il est essentiel que les professionnels du social et de la santé soient mieux formés et sensibilisés à l’accueil de ces personnes.

Il est aussi nécessaire de simplifier l’accès à la protection sociale : les dossiers sont si complexes et les délais de traitement si importants que de nombreuses personnes restent sans accès aux soins alors que leurs problèmes de santé s’aggravent.

Enfin, il est temps de véritablement s’interroger sur la validité d’une procédure de demande d’asile qui n’accorde pas le statut à des personnes qui ont été victimes de graves sévices, comme nous le voyons trop souvent au centre de soins (20% de nos patients sont des déboutés du droit d’asile). Il est temps de reconnaître que les traumatismes dont souffrent ces personnes sont le plus souvent incompatibles avec la production du récit qu’attendent les institutions.