« Les personnes déboutées du droit d’asile feront systématiquement l’objet de mesures d’éloignement dès le rejet de leur demande d’asile » : c’est un engagement que M. Gérard Collomb a pris le 12 juillet dernier, reprenant les mêmes termes et la même logique que son prédécesseur.
Pourtant, le rapport publié par le Centre Primo Levi en novembre 2016 était sans équivoque : parmi ces « déboutés » se trouvent des personnes qui ont été victimes de la torture et d’autres formes de violence politique dans leur pays, et dont la vie y est toujours menacée.
Partant du constat que 53% des patients de son centre de soins (spécialisé pour les victimes de torture et de violence politique) ont été déboutés du droit d’asile en France, le Centre Primo Levi avait pris l’initiative de réaliser une enquête sur ces personnes dont tout le monde parle, mais sur lesquelles aucune étude n’avait jamais été faite.
Le Centre Primo Levi avait découvert que les chiffres des autres associations recevant des victimes de torture, structures de soins ou autres, étaient tout aussi éloquents : en 2014, le Comede (Comité pour la santé des exilés), par exemple, a suivi 340 personnes déboutées du droit d’asile, dont 71% avaient subi des violences et 23% des actes de torture.
Le Centre avait alors soulevé cette question : s’ils sont quelques centaines à être repérés par les associations, combien sont-ils en tout à passer à travers les mailles du filet de protection de la procédure d’asile et à tomber dans les statistiques des « déboutés », dont le nombre grandissant inspire la méfiance, au point de mettre en péril l’institution même de l’asile ? et comment expliquer que de telles personnes puissent ne pas obtenir de protection internationale ?
Un certain nombre de failles dans la procédure d’asile avait été mis à jour : le manque de temps et d’écoute, sans lesquels une personne traumatisée peut ne pas réussir à parler des violences subies ou à constituer un récit cohérent et circonstancié ; des interprètes pas toujours à la hauteur ; des avocats commis d’office pas toujours consciencieux ; et de façon générale, un esprit de suspicion qui consiste à « débusquer le mensonge » dans une procédure où tout ne peut pourtant pas être prouvé (les tortionnaires ne laissent pas de certificat…).
Fort de son expérience et des constats tirés de son enquête, le Centre Primo Levi avait formulé une liste de recommandations à l’attention des pouvoirs publics afin que les survivants de la torture et de la violence politique soient reconnus en tant que tels et que la protection qui leur est due leur soit garantie.
La parution du rapport avait donné lieu à des échanges avec les institutions concernées ; mais l’annonce du gouvernement Macron / Philippe laisse présager le pire pour les quelques 60 patients du centre de soins Primo Levi qui ont été déboutés, et pour tous les autres qui restent menacés dans leur pays.