Tenir bon malgré l’extrême précarité

L’histoire de Madame M.

Elle s’appelle M., elle a 35 ans.

Madame M. menait une vie tranquille avec son mari et ses 2 enfants jusqu’à l’éclatement de terribles violences dans son pays natal. La famille prend la fuite jusqu’à un pays voisin, pensant pouvoir revenir chez elle après quelque temps. Malheureusement, le retour est impossible. La famille décide de rester là où elle s’est réfugiée, mais elle subit rapidement des violences racistes. Un jour le père disparaît.

Personne ne sait ce qui lui est arrivé. Ne se sentant plus en sécurité, Madame M. décide de reprendre la route avec ses enfants. Sur le chemin de l’exil, elle subit de nouvelles violences dont ses enfants seront témoins.

A son arrivée en France, Madame M. fait une demande d’asile et est hébergée dans un centre d’hébergement pour demandeurs d’asile qui l’oriente vers le Centre Primo Levi.

Lorsqu’elle est reçue par un psychologue du Centre Primo Levi, elle est dans un état d’épuisement et de dépression sévères. Elle est hantée par les cauchemars et n’arrive pas à dormir. Elle n’a pas de nouvelles de son mari et ne sait que dire à ses enfants qui la questionnent. L’absence de son mari lui donne l’impression d’être amputée. Elle ne comprend pas ce qui lui est arrivé.

Sa demande d’asile étant rejetée, Madame M. est orientée vers la juriste du Centre Primo Levi qui l’aide à faire un recours auprès de la Cour Nationale du Droit d’Asile. Celui-ci est finalement rejeté et elle doit quitter le centre d’hébergement. Madame M. est effondrée, elle a le sentiment que le sort s’acharne sur elle.

Les assistantes sociales du Centre Primo Levi et du centre d’hébergement se mettent en lien pour trouver une solution afin que la famille ne se retrouve pas à la rue. Dans un premier temps, elle est déplacée d’un hôtel à l’autre, avant qu’un lieu stable soit trouvé. Il s’agit d’un hôtel, éloigné de l’école des enfants, où la famille vit dans une chambre exiguë, sans possibilité de se faire à manger.

Depuis que sa demande d’asile a été rejetée, Madame M. n’a plus aucune ressource et dépend entièrement des Restos du Cœur pour se nourrir. Mais cela ne suffit pas pour subvenir aux besoins de sa famille. Lors d’un entretien avec l’assistante sociale, Madame M. explique qu’elle n’a pu avoir qu’une brique de lait et un peu de pain pour 3 jours. Elle cherche alors des petits boulots ici et là et s’absente parfois pour aller faire des ménages et gagner de quoi vivre.

A l’école aussi, elle sait que les choses ne sont pas faciles pour ses enfants qui se sentent différents. Ils portent toujours les mêmes habits, ils ne peuvent pas inviter d’autres enfants à la maison… Elle a eu des remarques des enseignants sur l’hygiène de ses enfants, mais aussi parce qu’ils n’avaient pas le matériel scolaire nécessaire ou qu’ils arrivaient en retard. Madame M. souffre beaucoup de cette situation qui renforce son sentiment de culpabilité et de ne pas être une bonne mère.

Comme l’explique le psychologue qui la suit,

les conditions dramatiques dans lesquelles vivent beaucoup de mères seules avec enfants que je vois en consultation entraînent une déconstruction de leurs capacités maternelles. Alors qu’elles essayent de faire de leur mieux, elles ne peuvent y arriver car elles se heurtent à trop de difficultés, ainsi qu’à une forte stigmatisation.

Grâce à l’écoute et au soutien dont elle bénéficie au Centre Primo Levi, Madame M. tient bon. Les consultations psychologiques lui ont notamment permis de surmonter l’épreuve qu’a été le rejet de sa demande d’asile. Les consultations se poursuivent. Ses enfants ont pu bénéficier des fournitures scolaires collectées par l’association en septembre 2022 et aborder la rentrée avec moins de stress. Elle et ses deux enfants ont intégré l’atelier d’expression artistique mis en place par le Centre Primo Levi en collaboration avec Clowns Sans Frontière, ce qui leur permet de s’échapper de leur quotidien, de jouer ensemble et de nouer des liens avec d’autres familles. Un travail a également été engagé avec la juriste pour obtenir un titre de séjour.

Malgré les difficultés rencontrées, Madame M. envisage progressivement un avenir possible pour elle et ses enfants.