01. Ukraine : continuer à transmettre notre savoir-faire face à des besoins croissants
Dès le début du conflit, le Centre Primo Levi a amorcé un partenariat avec l’hôpital de Lviv, en Ukraine, qui s’est poursuivi en 2023. Situé à l’ouest du pays, à 70 kilomètres de la frontière polonaise, cet hôpital gère trois sites accueillant des adultes et des enfants, il est en première ligne dans la prise en charge des victimes de guerre. Comme par le passé en République démocratique du Congo, au Liban ou en Tchétchénie, le Centre Primo Levi a choisi de partager son expérience dans la prise en charge des effets de la guerre et de la violence politique sur les populations civiles. Après une première formation en juillet 2022, une équipe de quatre professionnels du Centre s’est ainsi rendue en mars 2023 à Varsovie pour une session de formation de soignants du service de psychiatrie de l’hôpital de Lviv, en co- animation avec l’École de médecine de l’Université de Yale. Quelques mois plus tard, une délégation du Centre se rendait, sur invitation de nos partenaires ukrainiens, à un Forum International sur la reconstruction et la réhabilitation des locaux de l’hôpital, permettant de mieux comprendre la dynamique engagée sur place, et notamment le projet de création d’un centre de santé mentale dédié à la réhabilitation des victimes de la guerre. Ce projet est fortement porté par l’équipe du Dr. Oleh Berezyuk, le chef du service de psychiatrie, qui souhaite s’inspirer du modèle du Centre Primo Levi. Six membres de son équipe ont ainsi pu se rendre au Centre à Paris en octobre 2023 pour mieux comprendre son fonctionnement. Dans le contexte de la guerre, cette visite a été particulièrement marquante pour les deux équipes et a ouvert la porte à plusieurs propositions de développement partenarial, dont l’organisation de nouvelles sessions de formations et la publication d’un numéro conjoint de notre revue Mémoires, mais aussi le développement d’axes de recherche.
02. Plaidoyer en France: alerter sur les conséquences du projet de loi « immigration »
Le plaidoyer du Centre a été centré en 2023 sur le projet de loi « Immigration et Intégration ». Notre objectif était de sensibiliser les parlementaires sur la situation des femmes exilées et les conséquences que le projet de loi pourrait avoir pour ces publics ainsi que sur les personnes exilées en France de manière générale, au vu de leur parcours et situation sociale. Présenté comme un texte d’« équilibre », le projet de loi était imprégné d’un esprit de méfiance envers les personnes exilées, en s’ancrant dans trois tendances antérieures : l’accélération de la procédure de demande d’asile au détriment d’un temps nécessaire à la constitution du récit, la limitation du droit à la
santé et des dispositifs d’intégration restrictifs en pratique. Un travail d’analyse du projet de loi a été réalisé début 2023 et envoyé à l’ensemble des parlementaires, accompagné d’une demande de rendez-vous. Le Centre Primo Levi a pu participer à trois auditions à l’Assemblée nationale et au Sénat et à la prise en compte dans les discussions de la situation des femmes exilées. Suite à la décision de suspendre l’examen du texte au niveau du Sénat, un courrier d’interpellation et d’analyse a été adressé en septembre 2024 aux mêmes interlocuteurs. La multiplication des contacts auprès du Sénat a permis la reprise par Laurence Rossignol, sénatrice, de notre recommandation sur la prise en compte des violences subies par les femmes sur le parcours d’exil, dans le cadre d’une question adressée au gouvernement en novembre 2023. Cette question a donné suite à une réponse du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, concernant les évolutions à considérer dans le champ d’application de la Convention de Genève. En parallèle de son action propre, le Centre a intégré dès janvier 2023 un collectif de 60 associations dont l’action a permis une interpellation publique à travers cinq communiqués de presse et une interpellation directe des parlementaires en septembre et en décembre, à deux moments cruciaux des discussions.
03. Colloque bisannuel du Centre Primo Levi: « Silences et écoute »
Les colloques organisés depuis la naissance du Centre Primo Levi sont une pierre angulaire de son travail de transmission. Le 10ème colloque du Centre a choisi de questionner les liens entre le(s) silenc(e)s et l’écoute, une thématique au coeur de la clinique relative aux effets de la torture et de l’exil, tant du côté des patients que des professionnels : que recouvrent les silences de ceux qui ont été victimes de violence politique ? Sont-ils les traces muettes d’une lutte intime, devant la sidération, la peur, la honte, la culpabilité, impossibles à traduire en paroles ? Sont-ils la marque d’une volonté d’oublier, d’effacer ou à l’inverse de garder pour soi une parole supposée irrecevable, préservant ainsi de la violence rencontrée celui ou celle qui l’écoute ? Quel est aussi l’impact de cette clinique sur les professionnels qui écoutent ? Quels effets les silences ont-ils sur l’Institution ? Parce que ces questions se déploient sur un spectre pluridisciplinaire, une vingtaine d’intervenants et intervenantes (psychanalystes, historiens, juristes, philosophes, artistes, journalistes ou psychologues) ont investi l’Espace Niemeyer à Paris, le 30 et 31 mars 2023, pour proposer aux 270 personnes présentes leurs réflexions ou questionnements.
04. Accompagnement : Le rire pour soulager le trauma des familles
Le projet débuté à l’automne 2021 avec Clowns sans Frontières est en lien direct avec la pratique du Centre Primo Levi : un nombre important de familles accueillies par le Centre ont été disloquées, que ce soit pendant les évènements violents subis au pays, au moment de la fuite ou durant le voyage. Beaucoup sont monoparentales, un des parents ayant été tué ou ayant disparu. Des mineurs non accompagnés, qui ont perdu leurs parents ou sont sans nouvelles d’eux, sont également suivis.
Ces parcours traumatiques ont laissé des traces profondes sur les adultes comme sur les enfants, qui se prolongent dans l’exil. L’utilisation des arts vivants en soutien à des populations victimes de crises humanitaires ou en situation de grande précarité est la singularité de Clowns sans frontières et entre en résonance avec notre travail. Au cours de séances de trois heures, les artistes de Clowns Sans Frontières ont utilisé le rire avec des enfants et adolescents pour apaiser leurs souffrances psychologiques. Les 15 ateliers ont eu lieu un après-midi par mois et ont été animés par deux artistes, rassemblant 150 enfants et leurs parents. L’objectif artistique de cette année a été spécifiquement orienté sur le travail clownesque, que peu de participants connaissaient. L’expérience sera réitérée et poursuivie en 2024.