Hélène Bonvalot, directrice générale du Centre Primo levi, revient sur les défis posés par la pandémie de Covid-19 qui a marqué l’année 2020.
Quels ont été les effets de la pandémie de Covid-19 sur les patients du Centre Primo Levi ?
La crise sanitaire et le premier confinement ont eu des effets importants sur nos patients, avec notamment des reviviscences traumatiques vécues par certaines personnes qui avaient subi des situations d’enfermement par le passé, et plus généralement une dégradation de leur état de santé à cause de l’anxiété liée à la crise sanitaire. Pour de nombreux patients, il a été difficile de se situer par rapport aux effets sanitaires de la pandémie, alors que l’information n’était pas toujours accessible pour des allophones.
En outre, la précarisation croissante des conditions de vie des personnes exilées, qui n’est pas uniquement le fait de la crise sanitaire, touche durement nos patients. Les réseaux d’aide alimentaire et l’hébergement d’urgence ont été paralysés durant le premier confinement et l’accès à la formation et à l’emploi reste incertain. Enfin, la pandémie a eu pour effet de suspendre pendant plusieurs mois les procédures de demande d’asile et de titres de séjour. Cette incertitude concernant leur situation administrative a également eu des effets psychiques sur nos patients.
Le Centre Primo Levi a dû fermer durant le premier confinement mais nous avons réussi à maintenir le lien à distance avec les patients, afin de les soutenir et éviter des interruptions de soins pour les personnes les plus fragiles ou souffrant de pathologies chroniques. La situation est différente durant ce deuxième confinement puisque le centre de soins est resté ouvert grâce à la mise en place d’un protocole sanitaire strict. Cela permet d’atténuer les effets de la crise sanitaire et de maintenir un étayage fort alors que le rythme d’instruction s’accélère au niveau administratif et que les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire se font durement ressentir.
Durant toute l’année, notre objectif a été – malgré les nécessaires aménagements opérés en interne – de rester un lieu d’ancrage et un lieu de ressourcement pour nos patients.
Comment le Centre Primo Levi a-t-il répondu aux défis posés par la crise sanitaire ?
Nous avons répondu aux défis de la crise en restant fidèles à notre approche, à tout ce qui fait la valeur et l’originalité de notre centre de soins. Nous avons réussi à préserver le principe d’un accueil bienveillant et personnalisé malgré la distanciation physique. La crise sanitaire complexifie le travail en équipe mais le maintien des espaces de travail pluridisciplinaires s’est avéré essentiel pour accompagner au mieux les patients face aux effets de la crise. Nous avons en outre bénéficié du soutien de nombreux partenaires associatifs et institutionnels, ce qui nous a permis de maintenir notre offre de soins et d’apporter un soutien matériel aux personnes les plus fragiles.
La crise sanitaire a par ailleurs posé de nombreux défis concernant le fonctionnement interne, avec une nécessaire appropriation des outils numériques et un réaménagement des espaces de travail. Enfin, nos actions de transmission ont été fortement impactées par la crise sanitaire avec le report de plusieurs sessions de formation prévues au printemps, l’animation à distance de celles planifiées à l’automne et le basculement en visioconférence du colloque sur les « rêves et cauchemars », initialement prévu en mars et reprogrammé en octobre. Comme beaucoup, nous avons dû faire preuve d’une grande agilité tout en réaffirmant nos principes fondateurs.
Quelles sont les perspectives pour l’année 2021 ?
Le Centre Primo Levi aborde 2021 riche des enseignements tirés de l’année écoulée, en particulier une volonté réaffirmée de préserver ce qui fonde le projet de soins (à savoir l’accueil personnalisé, la qualité de la relation et la pluridisciplinarité), le souhait de consolider le fonctionnement interne, ainsi que de développer les relations de partenariat avec notre environnement externe.
Nous avons aussi une volonté forte de renforcer les actions de transmission en direction des professionnels du secteur médico-social qui travaillent auprès des personnes exilées. La crise sanitaire a contribué d’une part, à une dégradation des conditions de vie des personnes exilées et d’autre part, à accentuer certaines difficultés auxquelles sont confrontés les professionnels qui les accompagnent. Dans ce contexte, nos actions de formation qui visent à partager notre expérience clinique et à permettre une montée en qualité des dispositifs de prise en charge des personnes exilées revêtent une pertinence accrue. C’est un axe prioritaire pour le développement de l’association, que nous souhaitons investir dès 2021.
Enfin, nous restons mobilisés sur la scène publique pour défendre le droit d’asile et l’accès à des soins adaptés pour les personnes exilées victimes de torture. Dans ce cadre, nous suivons avec intérêt les discussions en cours au niveau européen sur l’évolution du régime d’asile commun et restons attentifs aux évolutions concernant l’accès à la demande d’asile et à la couverture sociale pour les personnes exilées.