Le Centre Primo Levi, plus importante structure dédiée au soin des victimes de la torture et de la violence politique exilées en France, publie son rapport annuel le 26 juin, Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture. Prise en charge des personnes victimes de torture pendant la crise sanitaire, violences systématiques lors du passage dans l’enfer libyen, santé mentale des mineurs exilés… Ce rapport fait état des nombreuses problématiques rencontrées par le Centre Primo Levi au cours de l’année 2020, marquée par la pandémie de Covid-19.
En 2020, le Centre Primo Levi a accueilli 412 patients victimes de torture et de violence politique, dont l’état psychologique a fortement été marqué par la crise sanitaire. Le rapport, intitulé “Soigner les victimes de torture en période de Covid-19”, rend compte des difficultés rencontrées par les cliniciens du centre de soins – psychologues, médecins, assistantes sociales, juriste – afin d’assurer au mieux le suivi de leurs patients. Dans le contexte de pandémie, de nouvelles problématiques sont apparues, notamment les enjeux liés au soins médicaux à distance et la forte précarisation des personnes exilées, et ce dès le premier confinement au printemps 2020. L’isolement, source d’angoisse, a ravivé des traumatismes et aggravé les psychopathologies de nombreux patients. 6206 consultations ont malgré tout pu être assurées au cours de l’année.
Autre enjeu de l’année 2020, le suivi des mineurs fait également l’objet d’une attention particulière dans le rapport. Cette année a prouvé l’importance de l’accompagnement en réseau des 81 mineurs accueillis par le Centre Primo Levi, qui allie prise en charge pluridisciplinaire par les cliniciens du centre de soins et suivi en lien avec les enseignants, une démarche qui devrait être généralisée dans les structures de droit commun. Le Centre Primo Levi constate également que l’état psychologique des 30 mineurs non accompagnés qui ont été suivis en 2020 est systématiquement très dégradé lors de leur arrivée en France.
« Aujourd’hui, le Centre Primo Levi constate que les routes de l’exil sont devenues tout aussi éprouvantes que les raisons qui les ont fait prendre, avertit Jacky Roptin, psychologue clinicien au Centre Primo Levi. Les violences vécues sur le chemin d’un exil sans fin, sans pouvoir bénéficier à aucun moment d’une protection, apportent leur lot d’effets déstructurants chez des enfants déjà fragilisés. »
Violences sur le chemin de l’exil : « l’enfer libyen »
Alors qu’un pays sur deux pratique encore la torture dans le monde, les séquelles liées aux violence subies sur les routes de l’exil, particulièrement extrêmes en Libye, où la torture est endémique dans les camps de détention de migrants, prennent une importance croissante dans le travail clinique exercé par le Centre Primo Levi. 11% des patients du Centre Primo Levi ont été torturés lors de leur passage dans ce qu’ils décrivent unanimement comme « l’enfer libyen ». Cette violence sur le chemin de l’exil se répercute physiquement et psychologiquement chez les patients.
« Mettre des mots sur la torture est une épreuve pour celles et ceux qui sont suivis par le Centre Primo Levi, déclare Hélène Bonvalot, directrice générale du Centre Primo Levi. A la détresse psychologique de nos patients s’ajoute la difficulté d’obtenir l’asile dans un environnement institutionnel et social où persistent la crainte de ne pas être cru et la nécessité de prouver les sévices subis. » Après avoir traversé l’indicible, il n’est pas anodin de devoir se remémorer et évoquer les violences vécues dans sa chair et dans son esprit. Les psychotraumatismes entravent la capacité à énoncer un discours clair dans le cadre d’une procédure d’asile, d’abord devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), puis le cas échéant lors du recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
Torturés dans leur pays, déboutés du droit d’asile en France
Le Centre Primo Levi dresse un constat inquiétant : bien que l’ensemble des personnes prises en charge par son centre de soins aient été victimes de torture et de violence politique, toutes n’obtiennent pas systématiquement le statut de réfugié. Du fait de la crise sanitaire, l’année 2020 a été marquée par une aggravation certaine du problème de l’accès aux préfectures, que ce soit pour la demande d’asile comme pour la demande de titre de séjour. Le ralentissement des procédures d’accès aux droits, qui perdure encore aujourd’hui, a fragilisé les patients du Centre Primo Levi, déjà fortement marqués par la précarité et des conditions d’accueil insuffisantes.
Le rapport peut être téléchargé en suivant ce lien.
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