“Violence politique” : de quoi parle-t-on exactement ?
Sans être clairement ni officiellement définie, la “violence politique” désigne la violence commise, encouragée ou tolérée par un Etat. “Commise”, par exemple dans le cas de la guerre actuelle en Syrie où des crimes inimaginables sont perpétrés par les forces gouvernementales (massacres de civils au moyen de barils d’explosifs ou d’armes chimiques, viols, exécutions sommaires…). “Permise”, par exemple en République Démocratique du Congo où viols et autres atrocités continuent d’être commis en toute impunité contre les civils par les différentes milices rebelles et l’armée régulière.
Ces violences sont d’ordre physique ou psychologique (souvent les deux à la fois) et visent une communauté ou un individu en particulier, pour des raisons d’appartenance à un groupe ethnique, de convictions politiques ou religieuses ou parfois sans autre cause qu’un climat de violence généralisée.
Ce type de violence se retrouve dans les contextes de conflit politique, de répression dictatoriale, de guerre ou même d’après-guerre.
Pourquoi les femmes sont-elles tout particulièrement visées ?
Atteindre les femmes dans leur rôle de mères, de piliers du tissu social, c’est menacer l’existence même d’une communauté. C’est pourquoi les femmes sont davantage concernées par les violences sexuelles. Le contrôle de leur capacité à enfanter est même devenu une arme de guerre, comme ce fut le cas hier en ex-Yougoslavie ou durant le génocide rwandais, et comme c’est le cas aujourd’hui en Syrie. “C’est comme si on voulait faire payer aux femmes le fait qu’elles perpétuent l’humanité”, commente le gynécologue congolais Denis Mukwege, lauréat du prix Sakharov 2014.
Les conséquences de ces pratiques inhumaines pour les femmes sont à la fois physiques, psychologiques et sociales : grossesses non désirées (pouvant provoquer des avortements non médicalisés, voire des suicides), exclusion de leur communauté, contamination notamment par le virus VIH, qui s’ajoutent aux traumatismes générés par un contexte de guerre ou de persécution politique. Des répercussions d’autant plus graves que les femmes ont tendance à ne pas parler de ce qu’elles ont subi, de peur d’être rejetées ou de ne pas être entendues par une justice qui laisse souvent ces crimes impunis.
Par ailleurs, lorsque ces femmes, acculées à tout quitter pour protéger leur vie ou celle de leurs enfants, entreprennent la quête d’une terre d’accueil, on constate que leur parcours d’exil, une expérience en soi douloureuse, est semé de difficultés supplémentaires. Du fait d’être femmes et isolées, elles sont davantage exposées à la violence des hommes qui profitent de leur vulnérabilité.
Quelle vie possible après ces violences ?
Si des structures telles que le Centre Primo Levi existent, c’est qu’une réhabilitation est possible même après de pareilles atrocités. La condition, selon Agnès Afnaïm, médecin au Centre Primo Levi, est d'”abandonner la technicité au profit du prendre soin”. Apprendre à ces femmes devenues objets à se réapproprier leur corps, à retrouver leur place au sein de la communauté humaine ; les aider à créer du lien avec leurs bébés et leurs enfants lorsque ceux-ci sont nés du viol : au-delà du soutien médical et matériel, c’est tout cela que tente de faire l’équipe du Centre Primo Levi, pour que ces femmes et ces jeunes filles puissent “vivre” et pas juste “survivre”. Les signes d’amélioration sont infimes mais merveilleusement parlants : un sourire, une tête redressée, un visage à nouveau maquillé…
Depuis début 2014, le centre a accueilli et soigné 131 femmes et jeunes filles, dont les parcours de vie sont aussi impressionnants et effrayants les uns que les autres, et dont le courage et la ténacité forcent le respect.