V. ou une petite histoire du temps
Quelque chose là s’est enfuie Vous ignorez quoi Vous ignorerez toujours C’est ...
Identité, le mot éveille les sens.
L’identité c’est une odeur, l’odeur du corps d’abord.
Pieds, aine, aisselles, bouche, cheveux, peau.
L’odeur du travail, au bureau, dans les champs, au marché, à l’usine, odeur de fleurs ou d’hôpital.
Odeur des transports, une voiture enfumée, un bus bondé, une longue marche à pied.
Odeur de cuisine, huiles, épices, fumées.
Odeur des familles, des lieux, des habitudes.
Odeur du temps qui passe, parfum de brioche sur la peau des bébés, de menthol sur celle des vieux.
Parfums…
Fragrance irréfragable qu’aucun décret ne modifie.
L’identité est un sentiment.
Sentiment d’appartenance, de rejet, de fierté, de honte.
L’identité est une quête de sens.
La recherche de lieux où se sentir à sa place, de lieux où se sentir soi-même, accepté comme tel par les autres.
Identité, ce mot dit de nous tout et son contraire : exactement pareils et complétement différents.
L’identité n’est pas à sens unique.
Elle est faite d’identités.
C’est une variable invariable.
Un concours de circonstances.
C’est l’âme.
L’identité est un écheveau complexe et fragile, toujours en mouvement, un mouvement lent, comme un nuage.
Alors quand la politique s’en mêle, la violence arrive immédiatement. Les exemples sont légion mais proches de nous quand un président de la République instaure un ministère de l’identité, c’est un état de brutalité qui s’installe pour tous ceux qui ne sentent pas, qui ne se sentent pas comme il faut.
La vie en société est l’art de délimiter des espaces communs où une multitude d’identités, par essence différentes, vont consentir à se trouver identiques : famille, école, travail, pays, parti, club….
L’art aussi de laisser libres des espaces où chacun peut se retrouver, souverain, dans son intimité.
Au Centre Primo Levi nos patients, souvent brutalisés et bannis à cause de ce qu’ils sont, reconstruisent leur vie grâce à ce qu’ils sont. Nous les soignons pour les aider à reprendre possession de leurs sens et de leurs sentiments, pour qu’un jour ils puissent dire : « Je me sens bien. »
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