Mémoires n°87 – janvier 2024 Prix : 8 euros (papier) / gratuit (en ligne)
ÉDITO
Nos alliés dans le combat contre le silence

Dans la clinique du Centre Primo Levi il est question de silence et de perte.

Nos patients se taisent parce qu’ils ont tout perdu.

Ils n’ont plus rien, plus rien à dire.

Ils ont perdu la parole.

Armando Cote parle dans son texte de « gagner le combat contre le silence » ; la formule fait du bruit et résume d’une ligne claire le mandat du Centre Primo Levi, qui pourrait en faire sa devise.

Elle dit aussi l’importance des interprètes qui jouent un rôle crucial dans ce travail qui va permettre à nos patients de regagner un usage libre, utile et apaisé de leur parole.

Dans les consultations, ce qui était tu, peu à peu, va être dit et d’une langue à l’autre, d’une personne à l’autre, d’une voix à l’autre, les mots reviennent.

Ils circulent, s’arrêtent, résonnent dans les corps du patient, de l’interprète, du clinicien ; ils sonnent différemment selon les voix, les langues, les histoires.

Ces sons, ces sens, ces différences sont comme autant de signes qui annoncent le retour du lien, du soin, de l’humain, de toute cette vie que la langue charrie et que la violence avait enfouie sous les décombres.

Les interprètes sont nos alliés.

Porte-parole, portes d’entrée vers le soin, ce qu’ils portent est très lourd ; des récits cauchemardesques, mutilés, peuplés de blessures invisibles et de deuils impossibles.

Pourtant il faut traduire…

Ce numéro de Mémoires est l’occasion pour Le Centre Primo Levi de rendre hommage au travail des interprètes et de montrer que, dans la clinique de l’exil et plus largement dans l’accueil des exilés, ils jouent un rôle éminent, de haut niveau, qu’il faudrait généraliser, mieux intégrer dans les politiques publiques et mieux valoriser.

Antoine Ricard, président du Centre Primo Levi

Les articles de ce numéro :