Ils sont douze artistes à se relayer dans la célèbre salle du « 104 » à Paris, en binôme ou trio, en provenance d’univers artistiques variés (arts du cirque, théâtre, théâtre de rue, danse, musique) avec en commun un engagement très fort et une aptitude à l’improvisation « tout-terrain ». Au cours de séances de trois heures, ils vont utiliser l’instrument du rire avec des enfants et adolescents pour apaiser leurs souffrances psychologiques. C’est une première collaboration entre le Centre Primo Levi et Clowns Sans Frontières, à laquelle s’est jointe la Fondation OCIRP (2) qui finance la quinzaine d’ateliers mis en place de novembre 2021 à juin 2022.
Action de Clowns Sans Frontières dans la ville de Grande Synthe
Pour Clowns Sans Frontières, ce projet rejoint ses 27 ans d’expérience, à l’étranger et en France, et son utilisation du spectacle en soutien à des populations victimes de crises humanitaires ou en situation de grande précarité. Le projet est aussi en lien direct avec la pratique du Centre Primo Levi : un nombre important de familles accueillies par le Centre ont été disloquées, que ce soit pendant les évènements violents subis au pays, au moment de la fuite ou durant le voyage. Beaucoup sont monoparentales, un des parents ayant été tué ou ayant disparu. Des mineurs non accompagnés, qui ont perdu leurs parents ou sont sans nouvelles d’eux, sont également suivis. Ces parcours traumatiques ont laissé des traces profondes sur les adultes comme sur les enfants, qui se prolongent dans l’exil.
L’exil qui accentue les souffrances
Leurs souffrances ne s’arrêtent pas une fois la frontière franchie. Les conditions de vie très difficiles en France accentuent le sentiment d’insécurité et d’exclusion. Cette insécurité et instabilité empêchent les enfants et adolescents que le Centre Primo Levi accompagne de se projeter, d’imaginer un avenir. En raison de leurs conditions de vie précaires, ils ont peu accès aux loisirs et peu de liens avec d’autres enfants en dehors de l’école. S’ils taisent souvent leurs souffrances, celles-ci se manifestent dans leur corps, leur comportement ou leur capacité d’apprentissage. Les relations parents-enfants sont également profondément affectées, empruntes de silence, de honte, de culpabilité.
L’épidémie de Covid-19 les a aussi terriblement affectés. Ils ont en effet été confrontés à l’anxiété de leurs parents face au risque épidémique ou ont particulièrement souffert des épisodes de confinement en raison de l’exigüité des espaces de vie, et des difficultés d’accès à l’école en ligne. C’est donc une « bulle », hors du temps, hors de leur vie en France qu’offrent les artistes de Clowns Sans Frontières. Ces moments de répit créent des moments d’échange et d’expression au-delà des différences linguistiques et culturelles et laissent s’exprimer les émotions. Le rire modifie leur regard et ouvre à nouveau leur horizon. Dans ce contexte incertain et anxiogène, il est plus que jamais indispensable de pouvoir répondre à leur imagination d’enfants.
(1) Clowns sans frontières est une association artistique et humanitaire qui intervient depuis 27 ans partout dans le monde pour apporter, à travers le rire et le spectacle, un soutien psychosocial à des populations victimes de crises humanitaires ou en situation de grande précarité, en premier lieu les enfants.
(2) La Fondation OCIRP soutient des initiatives qui répondent à une vocation générale en direction des familles face aux risques de la vie, traduite en trois axes d’intervention : agir pour les orphelins, accompagner les veuves et veufs et favoriser l’autonomie.