Public souvent exclu et précaire en France, au passé lourd de traumatismes, les exilés ont besoin d’un accompagnement psychologique spécifique. Mais les capacités des structures restent très limitées, et ce, face à une demande qui ne cesse de croître.
Article publié dans Libération le 02/09
Par Margaux Gable
Certains ont traversé la Méditerranée sur des bateaux bondés, d’autres ont été torturés dans leur pays, et tous ont côtoyé la mort pendant des mois. C’est souvent «endeuillées» et «hantées par des images violentes» que les personnes exilées posent le premier pied sur le sol d’un pays inconnu. Si bien qu’une fois en France, «un quart d’entre eux auraient besoin d’un parcours de soins en santé mentale», confie Arnaud Veisse, directeur du Comité pour la santé des exilés (Comede). Pour venir en aide à ces destins brisés qui ont fui leur pays au péril de leur vie, il faut un parcours de soin «spécifique» dispensé par un personnel «compétent et formé à ces questions».Car pendant le chemin de l’exil, «les traumatismes liés au départ et à la persécution ont le temps de s’enkyster et de s’aggraver», analyse Sibel Agrali, directrice du centre de soins Primo-Levi, à Paris. D’autant qu’à ces traumatismes anciens s’ajoutent les plus récents, vécus dès l’arrivée en France où ils sont, pour beaucoup, plongés dans l’exclusion et la précarité. «Un tiers seulement a accès aux places dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile [Cada]. Les autres sont à la rue», déplore-t-elle.Des «capacités limitées»Malgré des besoins criants, la prise en charge psychologique apparaît insuffisante. En France, les 1 780 centres médicaux-psychologiques (CMP) dénombrés en 2018 doivent permettre à toute personne d’être suivie gratuitement par un psychiatre ou un psychologue. Et depuis 2019, dix centres régionaux de soin des psychotraumatismes ont ouvert leurs portes pour accueillir des victimes d’attentats, de viols, de violences familiales ou encore de migrations. Des structures qui, en plus d’afficher des délais d’attente interminables, «ne sont pas adaptées aux personnes exilées», selon Sibel Agrali, notamment car ils sont souvent dépourvus d’interprètes professionnels. «Comment peut-on penser pouvoir entamer une thérapie sans parler la même langue ?» blâme la responsable.