Les différents confinements liés au contexte sanitaire ont eu comme conséquence une précarisation accrue de la société française et plus encore des personnes exilées qu’accompagne le Centre Primo Levi. Pauline Langlade y travaille comme assistante sociale, elle retrace la collaboration avec la Fondation Abbé Pierre, qui a permis à des dizaines de familles de répondre à leurs besoins de base.
Peux-tu nous parler de l’origine du soutien de la Fondation Abbé Pierre ?
Nous avons fait appel à la Fondation Abbé Pierre durant le premier confinement au printemps 2020. Elle donnait la possibilité de bénéficier de tickets services, de 10€, qui permettent d’acheter des produits alimentaires, d’hygiène, des vêtements ou des fournitures scolaires. Cela nous a beaucoup aidé en juin 2020 en permettant aux personnes que nous accompagnons de répondre à leurs besoins alimentaires. Nous étions dans une situation d’urgence, alors que les associations de solidarité étaient saturées et que les services sociaux pouvaient mettre longtemps à répondre. Le Centre Primo Levi peut faciliter des aides d’urgence de manière exceptionnelle, cela arrive ponctuellement mais ce n’est pas notre vocation à la base. Voilà l’intérêt des tickets services, qui peuvent être utilisés dans ce type de situation avec un réel effet dans notre accompagnement. C’est un geste réfléchi, pensé, qui a vraiment une portée. En répondant aux besoins de base, nous avons aussi pu travailler sur d’autres aspects de l’accompagnement social des patients.
Quelle a été la suite ?
Nous pensions que cela allait être temporaire. Mais cet été nous avons à nouveau sollicité la Fondation Abbé Pierre qui nous a accordé 400 tickets de plus. Nous nous sommes en effet rendus compte de notre difficulté à répondre aux besoins alimentaires des patients, car les banques alimentaires sont de moins en moins approvisionnées. Certaines personnes peuvent parfois attendre trois heures et sortir avec une brique de lait.
Comment se passe la distribution de ces tickets services ?
Cela dépend de la situation de la personne : est-elle isolée ? sa famille a-t-elle des ressources ? Nous évaluons la situation, cela passe par un temps d’échange et aussi par notre connaissance des personnes qui viennent nous voir. Certains patients font une demande d’aide financière ou de soutien alimentaire, d’autres n’osent pas. Nous pouvons nous rendre compte pendant l’entretien qu’un homme, par exemple, ne mange pas. Nous essayons de comprendre leur fonctionnement dans leur vie courante afin d’amener des solutions. Au-delà de répondre à l’urgence, il s’agit de comprendre le quotidien de la personne. Nous ne pouvons pas compter seulement sur les tickets services, mais ce sont des outils de soutien à disposition.
Quelle est la conséquence des confinements successifs pour les patients du Centre ?
Le confinement et l’enfermement ont eu un impact sur nos patients, on ne peut pas le nier. Mais ceux-ci subissent aussi les conséquences de la précarité grandissante de la population en France. Assez rapidement après le premier confinement, il est apparu que les distributions alimentaires étaient de plus en plus fréquentées. Un public étudiant très important y avait recours. Forcément cette situation a un impact sur les personnes que nous accompagnons, qui peuvent être déboutées de leur droit d’asile, se retrouver sans aucun statut, sans perspective immédiate. La situation est très compliquée. Tout est décalé, les classes moyennes deviennent précaires, les classes précaires deviennent très précaires, les très précaires sont extrêmement précaires. Je vois de plus en plus de familles qui dorment dehors. Les associations de soutien social sont à bout de souffle. L’épidémie de Covid-19 a aggravé une situation qui se dégradait déjà.