« Je suis prise dans presque dans toutes mes thérapies par ce travail de ‘’faire tenir’’, sans savoir si cela va marcher ou non. Même quand la personne ne vient pas à son rendez-vous, pour différentes raisons, il faut faire ‘’consister’’ ces absences, c’est-à-dire faire entendre à cette personne qu’elle était attendue, que son absence n’est pas passée inaperçue », témoigne une de nos psychologues. Un témoignage que beaucoup de membres de notre équipe ont pu partager : la fabrique et la continuité du lien sont essentiels dans l’accompagnement. Nos patientes et patients ont en effet du mal à s’inscrire dans une forme de stabilité, par les ruptures dues à la violence subie ou le fait de devoir incessamment suivre les injonctions administratives, juridiques. Le répit n’existe pas. Le Centre est donc un repère solide, dans leur vie. « Certaines personnes ont des difficultés à se situer dans le temps et l’espace. Elles peuvent rentrer dans une salle en se disant : ‘’Est-ce que, là, je suis en prison ?‘’. ’’Quel jour est-on ?’’ » confie une autre psychologue de notre équipe. Le parcours administratif de l’exil est aussi une véritable épreuve, face à laquelle le Centre doit apporter une réponse, « nous devons leur dire : ‘’Nous continuerons à vous accompagner.‘’ Ce qui me semble important, poursuit-elle, est de renvoyer à la personne le fait que nous l’attendons la semaine d’après, nous sommes là. Le lien n’est pas rompu alors que la personne peut avoir reçu une décision qui est bouleversante ».
Remettre du cadre
Être là, même au-delà du soin direct, notamment vis-à-vis des enfants (et parents) qui sont « en mouvement en permanence, ils n’ont pas les moments de répit qui permettent de reconstruire un peu de lien, de stabiliser leur situation, autour d’eux et de leur éducation. Ils sont comme dans une fuite permanente », décrit un psychologue du Centre. Ce mouvement continu peut entrainer des retards et des difficultés d’apprentissage. A notre équipe de faire le lien, avec l’école par exemple, pour trouver
des solutions. Il faut « faire tenir » les enfants, mais aussi les parents qui ont vu leur cadre de vie rompre sans en avoir encore repris le contrôle. « Nous remettons du cadre dans leur vie, nous sommes vraiment dans un type d’accompagnement qui déborde du cadre d’une consultation psychologique classique. Ce n’est pas qu’un problème de concentration, il y a un accompagnement qui concerne à la fois l’angoisse que ces enfants éprouvent et leur apprentissage, qui s’améliore petit à petit, au fur et à mesure que l’angoisse s’estompe ».