Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky et Céline Figuière ont intégré le conseil d’administration du Centre Primo Levi en 2022. Elles racontent leur arrivée dans une association à un moment important de son histoire, où « personne n’est là par hasard ».
Quels sont l’origine et le sens de votre participation à la vie du Centre Primo Levi ?
Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky :
Le Centre Primo Levi a toujours été essentiel dans le grand échiquier des acteurs sur la question de l’exil et des violences liées à l’exil, c’est une association de référence. En tant que psychologue clinicienne à l’hôpital Avicenne, je trouve qu’il y a une proximité de pensée et de pratique avec la clinique du Centre, du fait de ses références à la psychanalyse, de sa réflexion sur la question culturelle, avec une forte place donnée à la question politique. Le Centre est absolument indispensable dans un dialogue entre soignants et chercheurs sur la question des violences et de l’exil. Il est un partenaire naturel de notre activité.
Je suis par ailleurs enseignante-chercheuse et directrice de l’Institut Convergences Migrations, donc en lien avec de nombreux acteurs publics qui interviennent sur les questions migratoires. Il me semble important qu’une association qui apparaît avoir beaucoup d’indépendance puisse agir. Ceci est indispensable pour protéger une pensée autour du soin envers les personnes exilées, d’autant plus que les questions migratoires sont très politisées et complétement fantasmées, comme on le voit aujourd’hui avec le projet de loi « our contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ».
Céline Figuière
J’ai travaillé en tant que responsable de la communication chez Emmaüs et à la Fédération des acteurs de la solidarité, où la question de l’exil est centrale. C’est un vrai positionnement politique de s’engager sur ce sujet, qu’on veut séparer du secteur social, alors qu’il en fait entièrement partie. Le fait de placer la question de l’asile sous la tutelle du ministère de l’Intérieur est un signe. On voit que la France est un pays de protection dans les textes mais pas dans la réalité. La thématique des personnes exilées victimes de torture est difficile à porter, cela avait du sens de donner de mon temps, les avancées se font au millimètre, les réformes sont incessantes. Le Centre Primo Levi est très connu parmi les associations qui travaillent sur la question migratoire ou de l’asile, j’ai longtemps croisé ses membres, notamment à l’époque où je coordonnais l’action inter-associative autour de la circulaire Collomb[1].
Que retenir de cette première année au conseil d’administ atio ?
CF : J’ai découvert le fonctionnement du Centre, ses dynamiques, son projet associatif très fort. J’ai le sentiment que le Centre se situe dans une phase de transition, qu’il a vocation à trouver un autre niveau de reconnaissance. Le déménagement vers de nouveau locaux peut être une chance pour développer le centre de ressources et apporter plus aux professionnels du secteur social sur la spécificité de l’accompagnement des personnes exilées victimes de torture. C’est un sujet que j’ai suivi cette année. J’ai, sinon, découvert un conseil d’administration très impliqué, très divers. Je suis intéressée par la relation salariés-élus et par la nécessité de travailler sur ce lien de confiance crucial pour porter le projet associatif. Chacun a un rôle à jouer pour porter ce projet, personne n’est là par hasard. Il a enfin été très intéressant d’arriver à un moment où le Centre réfléchit à une stratégie de plaidoyer et de communication.
MC SY :
J’ai moi aussi tout découvert du Centre cette année, dont je ne connaissais que la clinique : les enjeux des locaux, les enjeux financiers, de visibilité. À ce titre, la sortie du rapport Femmes exilées, une violence continue a été un moment important cette année. J’ai réalisé que le Centre Primo Levi est une association qui opère constamment des arbitrages, entre le soin, la formation et le plaidoyer. La clinique de l’exil est très particulière, elle demande beaucoup d’engagement et d’expérience. En tant que soignante, je pense que le dialogue entre la clinique et les autres activités du Centre est essentiel. J’ai voulu renforcer ce lien, c’est le cœur du Centre. Celui-ci peut être un acteur très ambitieux dans les années futures, avec, bien sûr, des équilibres à trouver. Il est important que le Centre garde sa spécificité, son indépendance, qu’il continue de travailler avec les acteurs de l’exil. Il me semble que par son engagement et sa diversité, il en a la force.
[1] La circulaire de décembre 2017 demandait aux préfets de constituer des équipes chargées de se rendre dans les structures d’hébergement d’urgence pour y recueillir des informations sur la situation administrative des personnes hébergées.