Limbo : réparer les survivants
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La terre tourne autour du soleil et l’humanité tourne autour de la terre.
Elle tourne pour se faire une place au soleil.
Le mouvement et la lumière, ensemble, sont les sources du vivant.
Ainsi, les populations qui quittent un lieu pour un autre participent au mouvement perpétuel du vivant : battements, circulation, échanges, régénération, cicatrisation, ces mouvements sont la condition sine qua non de la vie humaine sur la terre.
Cette vérité première que la terre tourne autour du soleil, il aura fallu des siècles pour qu’elle soit établie, que la société l’accepte et l’intègre dans son système de pensée.
Car c’est une autre vérité qui avait été gravée dans le marbre, un dogme qu’il n’était pas permis de contester, sous peine de procès pour hérésie, sous peine de mort.
Pourtant, malgré les dogmes et les interdits la terre tournait quand même.
Puis la lucidité et le progrès ont fait leur œuvre, lumière et mouvement.
Aujourd’hui, cette vérité toute aussi fondamentale que l’humanité est par nature migrante et ne cesse de tourner autour de la terre, l’accepte-t-on ?
N’y a-t-il pas, comme du temps de Galilée, une croyance très forte, pétrie de dogmes politiques qui bien souvent empruntent au religieux, que l’homme aurait vocation à rester immobile, parqué à l’intérieur de frontières et de cultures, présentées comme éternelles et intangibles ?
N’a-t-on pas mis dans la tête d’une majorité de citoyens que l’humanité devrait rester figée les deux pieds dans la glaise idéale du pays natal, que tout mouvement serait une anomalie, un accident de l’histoire, un échec, une erreur qu’il faudrait à tout prix réparer, une hérésie qu’il faudrait juger et condamner ?
Combien de litres d’encre ont coulé pour écrire des lois, bâtir des digues de papier, combien de paroles aussi malveillantes qu’inutiles ont-elles été prononcées, combien de murs, combien de « dispositifs », combien d’acronymes abscons, pour tenter en vain d’arrêter le mouvement de l’humanité vivante ?
Cette politique est impossible car elle nie ce qui fait la vitalité même de l’être humain : son besoin d’aller, d’aller vers la lumière.
Cette politique est inhumaine car elle ne repose pas sur une observation lucide et honnête du vivant.
Cette politique est indigne car elle maltraite les uns et abaisse les autres.
Cette politique est violente, elle fait des milliers de morts, et blesse grièvement le corps et l’esprit de dizaines de millions de personnes dans le monde chaque année.
Ces idées impossibles, inhumaines, indignes, violentes sont des idées de mort, des idées mortes car elles vont contre la nature humaine, contre le vivant.
L’immobilité c’est la mort ; le vivant, lui, bouge tout le temps : d’un pays à l’autre, d’un village à l’autre, d’un siècle à l’autre, d’une famille à l’autre, d’une religion à l’autre, d’une idée à l’autre, d’un sexe à l’autre. Depuis toujours il fait cette révolution qui fait son évolution.
Ce numéro de Mémoires nous ramène à un geste simple, primordial, salutaire : l’observation du vivant, de la nature, de la nature humaine.
C’est ce geste qui doit inspirer le soin mais aussi la politique.
Regardons le corps humain : il ne se contente pas de réguler des flux, il harmonise les échanges et favorise la circulation, il ne souffle pas le chaud et le froid, il cherche la bonne température, il veut éviter la douleur, il répare les blessures, il est dans une stratégie de bien-être permanent, il cherche l’équilibre dans le mouvement, il s’adapte et apprend, il fertilise, il cherche le bon état d’esprit, il a une bonne nature.
Et quand tout va bien, il est joyeux et se met à danser.
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