Mémoires n°91 Juin 2025

Lumières


Disparitions sans traces. Traces sans empreintes.

Empreintes dénuées de sens.

Cicatrices de silence.

Traces indélébiles et invisibles.

Marques au fer rouge, bleus à l’âme.

Blancs dans la mémoire.

Nos patients cheminent dans un défilé de clairières mal éclairées et de forêts sombres.

Et nous, le Centre Primo Levi, nous marchons à côté d’eux une lanterne à la main pour éclairer la route.

A l’heure de passer le témoin de la présidence du Centre Primo Levi à Marie-Caroline Saglio Yatzimirsky (bonheur, honneur et fierté), je m’interroge sur la trace que cette association unique laisse dans son sillage.

Il faudrait des pages pour écrire ce que représente, ce que fait, ce que dit le Centre Primo Levi depuis 30 ans. L’évènement prévu en décembre prochain pour célébrer cet anniversaire, Centre Primo Levi - 30 ans - Soigner Résister, sera l’occasion d’y revenir, mais en un mot, pour ce dernier édito, ce qui me vient c’est que le Centre Primo Levi est une association de lumières.

Pour nos patients c’est d’abord une faible lueur d’espoir qui vacille dans le vent, puis une clarté, celle du langage qui se réchauffe avec le corps, une lumière ensuite qui éclaire la route qu’il va falloir reprendre.

Le Centre Primo Levi éclaire aussi la conscience des citoyens et des pouvoirs publics en témoignant des traces de la violence dans le corps social à une époque où cette violence est partout qui détruit les liens et qui conduit à une crise grave et globale : économique, sociale, démocratique et écologique. Nos patients, qui souffrent de tout en même temps, en sont les symptômes ultimes mais surtout les victimes.

Ils sont souffrants mais ils ont la chance d’être là et nous devons penser aux absents, en particulier à ceux qui ont disparu corps et âme dans la mer Méditerranée.

Armée des ondes, ils avaient dit non à la violence, à la domination, à l’exploitation, à la misère, ils étaient partis au péril de leur vie et ils ont coulé.

Ce sont sans doute eux qui laisseront le plus de traces.

Ces départs sont tout sauf une menace, ils marquent un acte de résistance et lancent, à la face du monde, une fusée de détresse.

Pourtant, une part immense de la population préfère aller jusqu’à renoncer à l’état de droit, à la démocratie et à la paix plutôt que d’entendre le message et d’accueillir les messagers.

C’est une folie sur laquelle d’obscurs marchands spéculent pour augmenter leur fortune et leur pouvoir.

Des magnats sans valeurs, des religieux dévoyés, des idéologues repus attisent le repli, le racisme, la haine et la violence qui forment ensemble les mailles d’un filet dans lequel se débattent les pauvres, les fragiles, les exclus.

Derrière les barreaux de leur prison ceux qui luttent pour un monde digne et paisible croupissent et meurent.

Le combat du Centre Primo Levi est plus que jamais d’actualité. Comme de nombreux autres membres de la société civile et comme nombre de citoyennes et de citoyens il tente de résister par son action et sa mission de témoignage.

Centre Primo Levi : une lumière qu’il faut garder au cœur et suivre à la trace.

Antoine Ricard, président du Centre Primo Levi

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