« Elles et ils ont surmonté leurs blocages »

Hélène Desforges, en plus d’être kinésithérapeute dans notre équipe, est aussi une escaladeuse confirmée. Elle a initié en janvier dernier le projet Gr.av.ir (Groupe Aventure avenIR), pour nos jeunes patients, en lien avec le Club Alpin Français. Le but : offrir une bulle de répit et dépasser les effets des violences vécues et de l’exil et acquérir les compétences nécessaires pour ce sport exigeant qu’est l’escalade.

Notre projet d’escalade, a démarré en janvier dernier, que retiens-tu de ces huit premiers mois ?

Pour les jeunes patientes et patients qui ont intégré ce projet, l’escalade occupe maintenant une place forte dans leur semaine et dans leur esprit. Je parle de personnes avec un passé très lourd, qui continue de les plomber régulièrement, les immobilisant, les empêchant de bouger. Cela est donc extrêmement positif et n’était pas gagné d’avance. Ils et elles se sont élancé.es en haut du mur. Là, le troisième groupe va commencer fin septembre, après les deux premières promotions de janvier et d’avril. Tout le monde continue de se retrouver le samedi après-midi, « anciens » comme « nouveaux ». Ils peuvent être jusqu’à 20 participant.es, certaines séances.

Vous vous retrouvez avant celles-ci dans un café près de la Gare de l’Est à Paris, quel rôle joue ce temps informel ?

Pour nous, ce temps avait à l’origine un aspect très pratique, nous voulions nous assurer que nos patients boivent et mangent suffisamment avant d’entamer 3h d’escalade. Mais cela va au-delà.  Ils s’aventurent, pour la première fois pour beaucoup à entrer dans un café, à s’assoir à table, et à se faire servir. Après, c’est un moment où ils sociabilisent, avec les autres participants, avec les bénévoles du Club alpin français. On parle de tout et de rien. C’est là que le lien social se tisse, qu’un groupe se crée, c’est très important.

Quel est le ressenti des patients ?

Souvent, quand ils font face à une difficulté, j’entends cette petite phrase : « C’est comme dans ma vie, j’ai du mal à avancer ». Ils font le lien avec leur quotidien, avec leur passé, tout l’encadrement est là pour les encourager et les soutenir à s’élever et à se concentrer pour assurer leur partenaire de cordée. C’est important qu’ils réalisent ce qu’ils sont en train de faire, après ce passé de violence, surtout quand une fois en haut du mur ils observent le chemin parcouru. Ils ont surmonté leurs blocages, tous sont arrivés en haut du mur. Je sens qu’ils se sont saisis du projet. Ils réapprennent à faire confiance dans l’autre, pourtant ils ne sont pas rassurés. L’encadrement est pour eux très important. C’est à nous, cliniciens, bénévoles du CAF et professeurs, de maintenir la régularité de ce cadre et de leur rappeler qu’ils sont toujours attendus. C’est ce qui les rassure et leur permet de se lancer dans cette aventure. Ce projet a prouvé qu’il avait beaucoup de sens. Tout le monde, au Club alpin français, au Centre Primo Levi, est déterminé. Nous avons encore besoin de temps pour continuer de construire le cadre de ce travail, cela demande beaucoup d’efforts mais le résultat vaut chaque minute passée.